Amoureux de la langue, François de Closets est aussi un réprouvé de la
dictée qui lutte depuis toujours contre ses fautes d'orthographe.
Difficile aveu à formuler quand on est l'auteur d'une vingtaine
d'ouvrages à succès publiés dans un pays qui pratique le culte de
l'orthographe. « La note de dictée, c'est le QI à la française »,
écrit-il : tout peut être pardonné, sauf une faute d'accord ou un
redoublement fautif de consonnes qui signe le cancre.
Pourtant, tous s'accordent à le dire : l'orthographe française est une
abomination, une maison du facteur Cheval qui ne connaît ni cohérence,
ni logique. Et c'est cette orthographe baroque et impraticable que nous
avons érigée en critère de sélection sociale et scolaire depuis près de
deux siècles…
Déterminé, à soixante-dix ans passés, à affronter le monstre qui l'a
terrorisé toute son enfance, François de Closets retrace l'histoire de
notre langue et de ses graphies depuis ses origines.
De François Ier aux Lumières, le français a vécu une époque bénie de
grande liberté : s'il était la langue parlée dans toute l'Europe aux
XVIIe et XVIIe siècles, c'est que nul ne se souciait de la manière dont
on devait l'écrire – le même mot pouvait être orthographié de plusieurs
manières sur la même page dans l'indifférence générale. À partir des
années 1830, l'orthographe se fige et devient la malédiction du
français. Le respect de ses règles est alors un enjeu politique et le
ferment de l'unité de la nation.
Le temps des réformes, toutes vouées à l'échec, se referme sur la
tentative de simplification de l'orthographe de 1990 qui vit les
instituteurs et les linguistes hués par l'ensemble des politiques et
des écrivains, gardiens du temple orthographique. Une parabole
frappante des blocages de la société française…
Aujourd'hui, nous n'en sommes plus là. Le niveau en dictée s'est
écroulé depuis quinze ans, et les enseignants se désespèrent :
impossible inculquer la maîtrise d'une orthographe si difficile quand
il faut aussi apprendre à maîtriser techniques narratives,
argumentation et persuasion… L'avènement du téléphone portable a
bouleversé la langue et l'écriture : on ne dit plus « Où es-tu ? »,
mais « T'es où ? » ; on l'écrit par SMS « T ou ? »…
Et demain ? Les Français ne feront plus de fautes d'orthographe pour la
bonne raison qu'ils ne la sauront plus : l'écriture sur clavier
deviendra la règle, à l'école comme ailleurs, et chacun aura dans sa
poche un écrivain public, le correcteur automatique d'orthographe. La
France a donc rendez-vous avec sa langue si elle veut éviter le piège
du bilinguisme : d'un côté, une langue véhiculaire, à l'orthographe
ignorée ; de l'autre, une langue-musée, patrimoine des élites, des
écrivains et des éditeurs…
François de Closets mène,
depuis une trentaine d'années, une double carrière de journaliste et
d'écrivain. En 1965, il rejoint le Journal télévisé et devient le
spécialiste des questions spatiales et scientifique. En 1978, il crée
sur TF1 le magazine économique L'Enjeu, avec Emmanuel de la Taille et
Alain Weiller ; en 1987, il lance, avec Richard Michel et Jean-Marie
Perthuis, Médiations, un magazine de société. En 1992, il rejoint le
service public pour concevoir des émissions consacrées à la science et
à la santé. Ce sont notamment Savoir Plus Santé, avec Martine
Allain-Regnault et Les grandes énigmes de la science, avec Roland
Portiche, émission dont il a été pendant quinze ans le producteur et le
présentateur. Depuis 2006, il est chroniqueur à La Chaîne parlementaire
et a repris ses activités d'éditorialiste.