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Philippe Delerm 1

Publié le 01/01/2014
Le célébrissime auteur de La première gorgée de bière continue une carrière littéraire, tout à sa discrétion coutumière, en ressuscitant une version moderne de Bartleby.
Je ne sais pas ce que c'est que l'ennui. Je peux rester des heures dans l'endroit le plus neutre, une salle d'attente, un hall de gare. Même sans livre à lire, sans journal à feuilleter. Bien sûr, quand il y a des gens à observer, à écouter, ce n'est pas mal. Mais je supporte très bien de m'intéresser indéfiniment à un bout de papier peint qui se décolle, une lézarde infime à l'angle du plafond, à la structure métallique des chaises, au désordre des magazines sur la table basse. Je n'en tire pas gloire. Ce blog est pour moi la première occasion de confier cette façon d'être.

Qui aurait cru qu'Arnold Spitzweg, employé de la Poste à l'existence méthodiquement organisée, se mettrait un jour à tenir un blog, www.antiaction.com ? Lui qui refusa longtemps de se mettre à l'informatique et pour qui « blog sonnait comme une espèce de borborygme scandinave, moitié blizzard et moitié grog » ! Et, surtout, qui aurait dit que ce blog rencontrerait un tel succès – citations sur les ondes de France Inter, intérêt des éditeurs et proposition pour faire un livre ? L'histoire paraît incroyable, et pourtant… Les écrits intimes d'Arnold Spitzweg résonnent avec force chez des milliers d'internautes : on le félicite de toute part, on le remercie d'aller contre l'activisme ambiant et de décrire l'inclination naturelle à la paresse. Arnold Spitzweg doit se rendre à l'évidence : il a touché une corde sensible. Il n'est donc pas tout seul à penser que notre monde va trop vite et qu'il faut, parfois, savoir s'arrêter pour en contempler la beauté. Comment celui qui s'identifierait volontiers au Bartleby de Hermann Melville vivra-t-il cette subite notoriété et cette surexposition médiatique ?

Dans ce roman drôle, tendre et parfois mélancolique, Philippe Delerm nous parle avec une grande acuité du monde contemporain. Pointant admirablement les petits riens qui font les grands bonheurs, son regard sait aussi se faire caustique pour peindre les travers de notre société.

Bibliographie