Étienne Augris et ses co-auteurs, tous enseignants, utilisent la chanson comme une porte d'entrée fascinante et mobilisatrice dans l'étude du passé. L'ouvrage, dont le titre fait écho à un slogan antifasciste des années 1920-1930 en Italie, analyse comment la musique et le chant deviennent de puissants outils de mobilisation et de résistance face aux régimes autoritaires.
La chanson, par sa nature collective, permet d'exprimer des émotions tout en véhiculant des messages politiques facilement repris par une foule. Ces chants de lutte ont souvent circulé de manière clandestine et anonyme, rendant parfois l'identification de leurs auteurs difficile. L'équipe d'auteurs, qui capitalise sur plus de dix ans de travail et sur leur blog "Histoire en boîte", a choisi un répertoire diversifié couvrant des périodes allant de la Révolution française à l'époque contemporaine, dans des contextes géographiques variés (Europe, Amériques, Afrique, Moyen-Orient).
Le choix des chansons dans le livre, limité par des contraintes de droits (pour les œuvres non tombées dans le domaine public) et par la nécessité d'une variété de styles musicaux, s'est fait de manière consensuelle entre les quatre auteurs. Le corpus reflète une diversité de combats : luttes féministes, lutte contre le fascisme historique ou des régimes autoritaires contemporains.
L'enjeu principal du travail réside dans la transmission mémorielle et militante entre générations. La musique, par son air familier, facilite la transmission de messages qui, sans elle, pourraient être négligés par les nouvelles générations aux préoccupations différentes. Cependant, il existe un risque de banalisation (comme l'exemple de Bella Ciao utilisé à des fins publicitaires) ou, inversement, le retour en grâce de chants oubliés qui redeviennent pertinents pour une époque donnée.
Pour les régimes autoritaires, la censure des chansons est difficile car la musique et les paroles circulent souvent de manière souterraine. L'analyse de ces chansons, même quand les sources textuelles sont rares (comme les chants des briseurs de machines, les Croplads, en Angleterre, ou Le Temps des Cerises lié à la Commune de Paris), est une source précieuse pour les historiens. L'ouvrage met en lumière le pouvoir durable de la chanson à se faire l'écho et l'outil des luttes contre l'oppression.