Dans "Ravaudée", Laurence Lépine explore les liens profonds entre la mémoire familiale, les tissus et la création poétique. Sa passion pour les étoffes prend racine dans son histoire personnelle : une arrière-grand-mère chiffonnière, une grand-mère couturière, une mère élégante, et une tante mannequin de rue. Les armoires familiales, explorées avec sa grand-mère, deviennent des lieux de mystère, porteurs d'histoires tus et d'une inquiétante étrangeté.

Le conte de Barbe Bleue et l'opéra de Bartók sur le même thème infusent le recueil d'une dimension angoissante. L'image des femmes emprisonnées et la clé ensanglantée du conte se mêlent aux souvenirs d'enfance, où les tissus des armoires semblent charrier des secrets non dits. Un moment clé en analyse, où l'autrice compare ses robes jamais portées aux femmes de Barbe Bleue, déclenche l'impulsion créatrice : « portez-les » lui suggère son analyste. Laurence Lépine choisit alors de les « écrire », transformant cette injonction en un acte de soin d'une mémoire intergénérationnelle, d'où le titre "Ravaudée", évoquant le raccommodage et la réparation.

Le recueil présente des textes courts, souvent introduits par un poème, avec une grande page blanche laissée par l'éditeur Stanka Maurice. Cette blancheur symbolise l'impossibilité pour l'autrice d'écrire un journal intime sans le filtre de la poésie, un espace où la parole se fait mystérieuse, même pour elle. Le recueil "Ravaudée" s'inscrit ainsi comme une œuvre délicate et introspective, où chaque pli de tissu et chaque mot choisi explore les profondeurs de l'héritage et la puissance salvatrice de l'écriture.