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Mickaël Chelal et Fabien Truong - "Grandir en cité" et "Grands ensemble"

Violence, solidarité, et socialisation : décrypter la vie et l'organisation des "Grands Ensembles" français.
Publié le 14/11/2025
En partenariat avec la Faculté de Sociologie rencontre avec Mickaël Chelal et Fabien Truong autour des ouvrages "Grandir en cité : la socialisation résidentielle de jeunes de cité aux éditions le Bord de l'eau et Grands ensemble : violence, solidarité et ressentiment dans les quartiers populaires aux éditions la découverte. Entretiens avec Ronan Hervouet et les étudiants de la Faculté de Sociologie.
Les auteurs abordent la complexité de l'enquête en quartier populaire. Mickaël Chelal a enquêté dans son propre quartier (Rooney-sous-Bois, Seine-Saint-Denis). Il explique que sa position d'"insider" (ancien bon élève) lui a permis de gagner du temps et d'accéder à l'intimité des relations, notamment en suivant des groupes plus jeunes (les "petits") pour créer une distance générationnelle. Il a dû travailler longuement pour gagner la confiance des filles, notamment via les réseaux sociaux.

Fabien Truong (enquête de 10 ans à Grigny) insiste sur la réflexivité nécessaire pour tenir la "ligne de crête" entre proximité et distance affective. Le succès de l'enquête a reposé sur la co-écriture (permettant de croiser les regards sur un même événement) et l'aide de personnes clés comme Fouet, un éducateur local. Truong souligne que la lenteur (10 ans d'allers-retours) est cruciale pour dépasser le regard extérieur, vaincre le niveau élevé de méfiance et documenter la forte dynamique démographique des cités.

Enjeux Sociologiques et Écriture
Les travaux convergent pour déconstruire le cliché du "guetto désorganisé" :

Mickaël Chelal met en lumière la socialisation résidentielle des jeunes, organisée par des rapports d'âge et de genre. La cité est un "monde social, organisé, éducatif" structuré par la hiérarchie petits-grands, où le respect est un principe central de régulation.

Fabien Truong documente la coexistence tragique de violences structurelles (précarité, contrôle policier) et d'un niveau de solidarité exceptionnellement fort, même entre personnes qui se connaissent peu. Il insiste sur la nature collective de la vie en cité.

Les auteurs ont opté pour une écriture vivante, narrative et accessible (avec des inspirations comme Streetcorner Society) pour toucher un public plus large, notamment les classes populaires. Ils ont fait le choix éthique de partager leurs analyses avec les enquêtés et ont organisé des retours publics pour rendre la parole aux habitants.

Sciences Sociales et Politique Publique
Les sociologues s'accordent sur l'utilité publique de leurs travaux pour éclairer les politiques. Cependant, ils déplorent que les élites politiques actuelles (la "Macronie") soient peu réceptives aux sciences sociales, privilégiant les approches managériales et les échéances courtes (benchmarking, tableaux Excel). L'approche des cités reste quasi exclusivement sécuritaire, ignorant les logiques sociales profondes (hiérarchies, occupation de l'espace public) que décrivent les enquêtes. Les travaux servent surtout les acteurs de terrain (travailleurs sociaux, organismes d'habitat).


Bibliographie