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80 ans de poésies

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Publié le 24/09/2003
Bernard Manciet fêtait ses quatre-vingts ans dans les salons Albert Mollat.

L'ascension fut ardue. Non pas celle qui a conduit Bernard Manciet de la Résistance au firmament des lettres françaises et occitanes (gasconnes, pour le puriste…) mais plus prosaïquement celle qui fut nécessaire à un monsieur de quatre-vingts ans pour accéder aux Salons Albert Mollat où l'attendaient ses amis pour célébrer un anniversaire et une œuvre.

Bernard Manciet est donc un vieux jeune homme de quatre-vingts ans. Bernard Manciet est également un jeune poète à la tête d'une œuvre qui, pour considérable, n'en est pas moins en devenir perpétuel. D'édition en rééditions, il relit, reprend, corrige, tant le texte original que sa traduction et donne à lire à ceux qui le connaissent ou le découvre la poésie la plus moderne qui soit.

Loin d'être étouffé par sa propre grandeur - il dit qu'un des impératifs du poète est d'oublier son œuvre pour la mieux continuer, Manciet respire et insuffle depuis plus de trente ans ce renouveau qu'attendaient les lettres occitanes engourdies dans le canon félibrige.

La présence d'amis de longue date, d'éditeurs et de nombreux lecteurs fidèles lui permit d'ailleurs d'évoquer certaines de grands instants de sa vie littéraire. Amicalement et malicieusement interrogé par Guy Latry, éditeur et traducteur fidèle ; secondé par certains de ses éditeurs les moins timides, Bernard Manciet a donc évoqué ses difficiles années de guerre, la Libération et ses libérations, sa fréquentations des avant-gardes parisiennes de l'époque, sa naissance à la poésie et la constitution d'un groupe informel de littérateurs gascons et occitans (Max Rouquette, Réné Nelli, Claude Marti…) qui, lors d'un mémorable festival occitan à Eyzines (en 1985, je crois…) signa la fin des félibres et l'avènement d'une poésie nouvelle en terres d'Oc. Ce festival dont l'évocation a suscité bien des murmures nostalgiques dans le salle est également un moment clé de la vie publique du poète Manciet, puisque c'est là qu'a eu lieu la première rencontre avec un autre Bernard, Lubat le fameux, qui donnera de beaux enfants scéniques et musicaux et fit accéder Manciet aux feux de la rampe (lui qu'ils aveuglent) ainsi qu'à une certaine célébrité depuis la présentation à Paris d'un Enterrament a Sabres demeuré dans les annales.

Voici donc, grâce au talent du poète et à l'obstination de ses laudateurs, Bernard Manciet entré au Panthéon des lettres. Non pas celui des prix Nobel (on le donne pourtant, chaque année, dans le carré de tête), non pas celui de l'Académie où pourtant il devrait avoir sa place, mais ce panthéon secret que tout lecteur amoureux porte en soi, qui fait dire des vers que parfois il comprend à peine mais dont la musique accompagne la vie. Ce panthéon des mémoires qui faisait ce soir-là exister autant de Manciet qu'il y avait de spectateurs (et ils étaient venus nombreux !)

Celui qui, modeste ou provocateur dit "  je ne sais pas tricoter, alors j'écris ", à su tisser un beau réseau d'amitiés et de fidélités croisées qui le rend aujourd'hui célèbre et aimé bien au delà des limites de l'Occitanie ; célèbre et aimé partout sur la terre des poètes.

 

Bernard Manciet, Guy Latry et Claude Rouquet
De gauche à droite : Bernard Manciet, Guy Latry et Claude Rouquet