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« Avec mon meilleur souvenir. »

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Publié le 25/09/2004
Françoise Sagan s'est éteinte vendredi, elle avait 69 ans.

Hors de Paris, on l'avait presque oubliée, sinon par les entrefilets judiciaires qui l'avaient, ces temps derniers, rappelée à notre bon souvenir. Et pourtant, l'annonce de sa mort à réveillé en nous, le souvenir précis et pour chacun singulier d'une Sagan presque éternelle qui balisait l'époque de ses commentaires de moraliste XVIIeme. Une grande cousine fantasque, adorable mais parfois limite, dont la chronique nous accompagnait depuis toujours, semblait-il.

Avant d'être Sagan, Françoise fut Quoirez. Née en 1935 d'un père industriel, élevée dans de strictes valeurs bourgeoises, elle devint Sagan dans le scandale : sa famille préféra, lors de la publication de Bonjour Tristesse, que la jeune auteure, mineure au moment des faits, publie sous un pseudonyme. Scandaleux à plus d'un titre : l'intrigue, son auteur et la liberté de ton dont elle use, l'ouvrage va connaître un succès hors pair et se voit même consacré par François Mauriac, qualifiant Sagan de « charmant monstre ».

Le scandale, sa jeunesse, une apparente légèreté aérienne qui contraste singulièrement avec sa gravité morale vont faire de Françoise Sagan, l'une des figures essentielles de la France du demi siècle passé. Traversant sur la pointe de ses pieds nus modes et révolutions (aux occupants de l'Odéon qui en mai 68 lui reprochèrent de les venir visiter en Ferrari, elle répondit, « non, en Maserati »), elle trébucha parfois d'être trop légère. Accidents, drogues, amitiés troubles avec d'étranges personnages, dettes de jeu, dettes d'impôts, lui rappelèrent souvent que l'on ne brave pas impunément l'ordre des choses, qu'il soit physique ou légal. Mais la principale invention de Sagan, c'est Sagan elle même. Elle fut en effet la première à avoir conscience d'être plus importante que son oeuvre et à ne pas s'en sentir blessée. Prévenue par son père de la vanité des gloires, elle sut aussi, au travers de tout cela, bâtir livre à livre, une oeuvre qui lui ressemble : si légère qu'elle en semble transparente. On lira avec attention, bien sûr son premier opus, Bonjour tristesse, mais également ses romans de la première période, Un certain sourire, Dans un mois dans un an, Aimez-vous Brahms ?, La Chamade, ... Ceux-là, accompagnés de quelques autres ont été regroupés en un volume bien édité dans la collection Bouquins chez Robert Laffont. De sa dernière période, on retiendra surtout ses livres de souvenirs : Avec mon meilleur souvenir, Et toute ma sympathie, qui regroupent mémoires et exercices d'admiration. Derrière l'épaule vaut également le détour puisqu'on y lit la chronique (ou les recettes)d'écriture de certains de ses romans.

Elle faisait des merveilles, on les admirait. Elle faisait des bêtises, on les lui pardonnait. Généreuse à l'excès, elle a passé ses dernières années hébergée par une amie. On l'avait presque oubliée, et pourtant, on s'en souviendra longtemps, de Sagan.