Météo
Période chargée que ce mois d'octobre : les écoliers prennent leurs marques, les étudiants courent de cours en TD et s'échappent en librairie en quête des précieux vadémécums qui leur ouvriront les portes du savoir ; les éditeurs s'agitent autour de leurs poulains de novembre – L'aura, l'aura pas, cette année, le Goncourt - Fémina - Médicis - Renaudot ? – consultent les listes de sélectionnés, les refusés, les inattendus et supputent des surprises de dernière minute. On glose, on complote, on cherche désespérément des ficelles à tirer – si tant est qu'il y en ait – et on finit par, en cachette, aller brûler un cierge à Saint-Sulpice. Pendant ce temps-là, l'auteur lui, l'air dégagé, attend, les mains moites. Et pendant ce temps là, les lecteurs lisent.
Doris Lessing
En voilà une qui n'attendra pas : la délicieuse et acide Doris Lessing est depuis hier la lauréate du prix Nobel de littérature 2007. Ce prix couronne une œuvre de près de cinquante ouvrages dans lesquels elle a su à la fois rendre compte des tourments de son temps et de ceux, plus intimes, de personnages qui la suivent comme une ombre. Savoir à ce point mêler intime et extime, savoir également défendre ses opinions, y ajouter le talent, ça vaut bien un prix Nobel. Bravo Mme Lessing !
Et pour fêter ça, nous avons même consacré un dossier bio-bibliographique à l'auteur des Carnets d'Or. [ici]
On l'appelle LeChieur, ou Nonal.
Il possède lui aussi une jolie plume et l'envie d'en découdre avec les lettres mais n'a pourtant jamais signé de contrat dans un bureau moquetté du sixième arrondissement parisien. Sa renommée, il la doit au Web, et en particulier à son blog, brols.net, où il publie, presque quotidiennement, des textes intimes, ses indignations, quelques blagues potaches et autres jeux littéraires. Il échange propos et idées avec d'autres blogueurs connus et contribue ainsi à faire exister l'intelligence, l'humour, curiosité et le désintéressement dans cette région du Web que l'on nomme la blogosphère française.
Mais comme il faut bien gagner son pain, Monsieur LeChieur exerce la profession de journaliste pigiste. Noble métier mais hélas peu rémunérateur. Alors, afin de beurrer ses tartines et de rendre ses épinards mangeables, il a eu cette belle idée de mettre en vente, sur un site d'enchères bien connu, un roman policier dont vous – si vous emportez l'enchère – serez un personnage important (héros, enquêteur, méchant ou victime, vous avez le choix). Une belle idée de cadeau de Noël, non ?
Pour en savoir davantage, c'est [ici].
A lire…
Le discret Jean-Yves Cendrey a connu une renommée dont il se serait peut-être bien passé avec la publication, en 2005, des Jouets vivants, récit de l'enquête qu'il mena sur les agissements d'un instituteur pédophile. L'auteur contribua en personne à l'arrestation du pervers. Ce très beau livre, mêlant récits d'enquêtes, réflexions personnelles sur sa propre existence et une dénonciation virulente des silences et autres complicités passives qui ont permis au pédophile de n'être pas inquiété en trente ans de carrière, valut à son auteur un important courrier. Il y lut l'histoire de Céline, suicidée à vingt-deux ans, après avoir été la victime de l'un de ses professeurs. Dans les mots de la mère de Céline, il reconnut sa colère contre l'institution qui avait protégé un criminel si longtemps, il y lut aussi le désespoir d'une femme devant la perte et devant un crime impuni.
Alors qu'il s'était promis de ne répondre à aucune sollicitation de cet ordre, Jean-Yves Cendrey a repris l'enquête et la plume. Corps ensaignant, qui vient de paraître, n'est plus sous-titré Récit, mais Tombeau. Et, je vous l'assure, au-delà de l'enquête, au-delà du pathos et de la colère, il s'agit ici de littérature, dans ce qu'elle a de plus essentiel.
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