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Bunker, dernière rafale.

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Publié le 25/07/2005
L'écrivain Edward Bunker est mort la semaine dernière en Californie, il avait 71 ans.

l avait la gueule de l'emploi. Marqué aussi bien par les dix-neuf années qu'il passa en prison que par le diabète, Edward Bunker était l'une de ces « gueules » qui font la légende littéraire américaine. Il avait l'air, mais aussi la chanson. Pensionnaire des quartiers de haute sécurité de Saint-Quentin dès l'âge de dix-sept ans, hébergé par différents établissements pénitentiaires durant près de vingt ans, Edward Bunker était à quarante ans une caricature d'irrécupérable : violent, révolté contre tout et le reste, isolé, prisonnier d'un monde en marge, amateurs de cimes artificielles et d'états limites, il devait pourrir et mourir en taule, c'était écrit.

 

Sauf que... la littérature et son Histoire aiment les miracles. Le miracle d'Edward Bunker a pris la forme d'un pavé intitulé No beast so fierce, Aucune bête aussi féroce.

 

L'ouvrage, écrit en prison et paru deux ans avant son ultime libération avait fait l'effet d'une bombe. Décrivant l'univers carcéral avec un réalisme froid qui tranchait radicalement avec l'usage de la littérature de taulard, Aucune bête... raconte l'initiation aux lois de la prison d'un jeune détenu qui ne doit son salut qu'à la protection d'un caïd. Ici, froidement décrits, les us et coutumes d'un monde ultra violent renvoyaient à l'Amérique son image maudite, l'envers de son rêve. Voila de quoi, en pleine années soixante-dix contestataires et politisées, établir la réputation d'un auteur. Mais, bien sûr, cela ne suffit pas à en faire un écrivain. Il faut un style.  Sa description froidement lucide d'un monde perpétuellement en tension, où l'explosion menace même les instants les plus paisibles, ce jeu des contrastes et des frictions est pour beaucoup dans la réussite de l'ex taulard.

Ajoutez à cela un physique à la auteur des mots et vous obtenez un personnage dont le moindre regard put glacer les sangs du plus aguerri des intervieweurs

Aucune bête... sera suivi de La Bête contre les murs , La Bête au ventre et Les Hommes de proie, tous publiés par François Guérif, cédant ainsi aux recommandations enthousiastes de James Ellroy, dans sa collection Rivages / Noir. En 2000, Edward Bunker avait fait paraître L'Education d'un malfrat, autobiographie qui semble être son testament.

Edward Bunker aura surmonté bien des épreuves mais il n'a pas survécu à une opération qui devait minimiser les effets d'un mauvais diabète sur sa circulation sanguine. Il avait sûrement oublié de regarder le chirurgien dans les yeux.