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De grands noms nous quittent, de grandes œuvres restent

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Publié le 30/04/2010
Pierre Hadot, Denis Guedj, Pierre-Jean Rémy
Pierre Hadot (1922-2010)

Philosophe, historien, philologue, Pierre Hadot, qui vient de nous quitter à l'âge de 88 ans, était une figure majeure de la pensée contemporaine.

Né au sein d'une famille très catholique, Pierre Hadot aborde dans un premier temps la philosophie par la voie de la spiritualité. Ordonné prêtre, il quitte le sacerdoce en 1950 pour se consacrer à des études de Lettres qui le conduisent à une carrière de bibliothécaire. Gravissant un à un les échelons, il devient chargé de recherches au CNRS en 1964, puis directeur d'études à l'EHESS – jusqu'en 1985 – et enfin, en 1982, titulaire de la chaire d'Histoire au Collège de France, sur l'initiative de Michel Foucault.
Bien qu'il ait été un des premiers à étudier la pensée de Wittgenstein, Pierre Hadot a axé la majeure partie de sa réflexion sur la philosophie antique – Plotin, Marc-Auréle, Epictète… Il contribua à transformer l'angle d'approche de cette discipline en la considérant non pas comme une manière de discourir mais comme un « art de vivre », un «exercice spirituel» par lequel on parvient à «transformer soit en soi-même soit chez les autres, la manière de vivre et de voir les choses».
Pierre Hadot livre toutes ses réflexions dans une œuvre riche et dense, dont les deux ouvrages majeurs sont : Qu'est-ce que la philosophie antique ? et La philosophie comme manière de vivre.



Denis Guedj (1940-2010)

Né à Sétif en Algérie en 1940, Denis Guedj est à la fois mathématicien et écrivain et même plus…

Très attaché à au concept d'université populaire et imprégné de l'esprit de mai 68, Denis Guedj est l'un des fondateurs, en 1969, du centre universitaire expérimental de Vincennes (à l'origine de l'université de Paris-VIII, aujourd'hui sise à St Denis) où il crée le département de mathématiques. Il y enseignera l'histoire des sciences et l'épistémologie, ainsi que l'écriture de scénario dans le département « cinéma ».

Car l'homme porte plusieurs casquettes : il est aussi homme de théâtre, scénariste et écrivain. Il est l'auteur de plusieurs romans où les mathématiques tiennent toujours une place de choix comme dans Le Théorème du perroquet, dans lequel un libraire à la retraite doit se lancer dans l'étude des mathématiques pour comprendre les raisons de la mort d'un ami, dans Les Cheveux de Bérénice, une aventure scientifique et amoureuse dans l'Alexandrie du IIe siècle av. J.-C. ou encore dans La Villa des Hommes, dont l'intrigue se situe en 1917 et fait se rencontrer un vieux mathématicien allemand et un jeune soldat français sans parler des non moins marquants Zéro et Le Mètre du monde.
Les célèbres chroniques mathématiciennes qu'il rédigeait pour Libération ont été réunies sous le titre La gratuité ne vaut plus rien.
Homme passionné et engagé, Denis Guedj battait encore le pavé de la Place de Grève auprès des étudiants l'an dernier pour protester contre la LRU (la loi relative aux libertés et responsabilités des universités). Il était l'un des initiateurs de cette « ronde infinie des obstinés ».



Pierre-Jean Rémy (1937-2010)

Haut-fonctionnaire brillant et écrivain prolifique et reconnu, Pierre-Jean Rémy tire sa révérence à l'âge de 73 ans. Jean-Pierre Angremy (de son nom à l'état civil) a mené une carrière brillante aux multiples facettes : énarque, il devient rapidement diplomate (auprès des ambassades françaises en Chine, en Italie, en Angleterre) et dirige la prestigieuse villa Medicis de 1994 à 1997. Entre-temps, il est aussi ambassadeur délégué permanent de la France auprès de l'Unesco.
Vouant une véritable passion à la musique, il est notamment l'auteur de biographies de la Callas, de Berlioz et d'un Dictionnaire amoureux de l'Opéra, et il fut en charge des délicats dossiers de la Cité de la Musique et de l'Opéra Bastille au début du premier septennat de François Mitterrand. Pierre-Jean Rémy (son pseudonyme) a par ailleurs écrit près de soixante-dix ouvrages… « J'ai la chance d'avoir un stylo qui écrit tout seul » affirmait-il. Romans, essais, biographies, P.-J. Rémy s'est essayé à tous les genres. Il aimait dans ses romans mêler le réel et la fiction si bien que les destinations où le menaient sa vie de diplomate servaient souvent de toiles de fond aux histoires qu'il aimait à raconter – on pense notamment à Chine, journal de Pékin, un roman de 700 pages sur ce pays en 1991. Le prix Renaudot en 1971 pour le Sac du palais d'été, plusieurs succès populaires (dont le fameux Orient-Express), Pierre-Jean Rémy était un écrivain reconnu. Il fut élu à l'Académie française au siège de Georges Dumézil, en 1988.
Ironie du sort, alors que le Voyage Présidentiel était sous presse (son ultime roman qui sortira en librairie le 14 mai), Pierre-Jean Rémy nous quittait au moment où Nicolas Sarkozy s'envolait pour la Chine.