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Des cactus dans les archives

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Publié le 06/02/2004
L'Institut Mémoire de l'Edition Contemporaine s'installe en Basse-Normandie avec ses collections d'archives et de surprenants héritages...

Le Monde en date du 5 février faisait état du récent déménagement de l'Institut Mémoire de l'Edition Contemporaine (I.M.E.C.) vers le Calvados où l'abbaye d'Ardenne l'abritera. L'occasion de jeter un oeil sur cette association aussi originale que nécessaire.

L'IMEC, à la plupart d'entre vous ces quatre lettres ne diront rien mais elles sont en train d'écrire un pan tout entier de l'histoire du livre en France en constituant un fonds d'archives des plus originaux.

L'IMEC est donc une association fondée en 1988 par Pascal Fouché et d'Olivier Corpet, tous deux détenteurs et administrateurs de fonds d'archives dans leurs institutions respectives, le premier étant en outre l'auteur d'une indispensable Édition Française sous l'Occupation. Des connaisseurs, donc, à qui il importait de trouver un abri sûr et pérenne aux documents qu'ils détenaient ainsi qu'à de futurs fonds d'archives d'éditeurs – en général peu prisés par les bibliothèques traditionnelles- ou bien à des archives d'auteurs encore vivants désireux de s'en débarrasser. C'est que ça prends de la place toute cette paperasse !Jean Gattégno, alors Directeur du Livre croit en l'aventure ainsi que l'influent Jean-pierre dauphin, responsable des archives de la prestigieuse maison Gallimard. Sous de tels auspices le succès ne se fait pas attendre à la surprise de Christian Bourgois : "J'ai soutenu le projet dès le départ, mais j'étais sceptique (...)Je ne pensais pas que les éditeurs, avec leur culture du secret, accepteraient aussi facilement de confier leurs archives à des inconnus. Mais l'Imec leur permettait de résoudre un problème aigu : celui de la place. Entre l'Imec ou le pilon, ils ont choisi l'Imec."(Cité par Le Monde).

L'association est donc une bénédiction pour les historiens de l'édition mais également pour les éditeurs eux-mêmes puisque elle a la bonne idée de les débarrasser des tonnes d'archives qui encombrent les bureaux et greniers de ces vénérables maisons. Viennent ensuite s'ajouter les archives d'auteurs : manuscrits, notes de travail, correspondances et contrats d'éditions. Parmi les donateurs, auteurs vivants ou héritiers d'auteurs, certains le sont parce qu'ils s'estiment mal traités par la Bibliothèque Nationale de France dont les très lourdes procédures d'inventaires imposent des délais d'ouverture et de classement de plusieurs années. En outre, la BNF est peu friande des documents administratifs, commerciaux ou juridiques qui lient bien souvent un auteur à sont oeuvre et à ses éditeurs. Hachette, Flammarion, les éditions Larousse, du Seuil, de Minuit..., ainsi que les archives personnelles de Roland Barthes, Louis Althusser, Emmanuel Bove, et bien d'autres encore trouvent abri à l'IMEC.

Quand on constitue un tel fonds d'archive, succès et asphyxie vont souvent de pair, et quinze années à peine après sa création, c'est à près de quinze kilomètres de rayonnages que l'IMEC cherchait un abri.

La rencontre de René Garrec, président du Conseil Régional Basse Normandie va sauver l'Imec. La Région s'engage aux côtés de l'association et va mettre à sa disposition l'abbaye d'Ardenne récemment rénovée et ses vingt kilomètres de rayonnages. Un lieu donc et un substantielle participation au budget qui s'élève à 1,2 millions d'euros sur un total de 2,9 millions. C'est dans ces conditions que l'Imec va continuer son développement si particulier puisqu'à la conservation d'archives elle ajoute un le métier de redonner vie à ces fonds en participant à des éditions, colloques, congrès. On lui doit, entre autres, la co-édition de L'avenir dure longtemps, beau texte autobiographique de Louis Althusser, publié avec le concours des éditions Stock.

A tout ceci s'ajoute une collection de cactées : celle d'Alain Robbe-Grillet dont l'institut hérite avec la totalité de ses archives. Ces plantes, chères à l'auteur, seront abritées par une serre élevée spécialement à cet effet. Le tout sera inauguré le 13 février par le Premier Ministre, Jean-Pierre Raffarin.

En ces temps de disette budgétaire, de subventions peau de chagrin et de désespoir culturel, ce conte de fée ou se rencontrent une cendrillon archiviste et son prince charmant président de région méritait d'être dit. Voilà qui est fait...

En savoir plus, le site de l'Imec

Illustration : L'abbatiale de l'abbaye d'Ardenne.