Chargement...
Chargement...

Disparition du prix Nobel de littérature Doris Lessing

65168844_disparition-du-prix-nobel-de-litterature-doris-lessing
Publié le 18/11/2013
Hommage à la romancière anglaise, prix Nobel de Littérature et combattante inlassable de la cause des femmes, des droits des plus faibles et de la justice pour tous.
Née Doris May Taylor de parents anglais en Iran en 1919, Doris Lessing émigre en compagnie de sa famille, attirée par des promesses d'enrichissement rapide au Zimbabwe, en 1925. Élevée dans des pensionnats privés dans la plus pure tradition anglo-saxonne, en constante opposition avec sa famille, la jeune Doris va très tôt manifester une dilection certaine pour l'indépendance. Elle s'émancipe à l'âge de quinze ans et va enchaîner petits boulots et aventures sentimentales. Des premiers, elle connaîtra ses premières expériences d'écriture en publiant quelques articles dans des journaux sud-africains, des secondes, hélas, elle découvrira l'amertume que laissent les rêveries romanesques confrontées à une réalité décevante. Mais grand bien lui fit, puisque ses premiers écrits porteront la trace de ces expériences.

Deux fois mariée, trois fois mère, Doris Lessing s'établira à Londres en 1949, décidant de se consacrer à son métier d'écrivaine. Active militante du parti communiste anglais durant quelques années après la seconde guerre mondiale, engagée contre la course à l'armement nucléaire qui glaçait alors la géopolitique des grands blocs, elle publie en 1950 son premier roman, Vaincue par la brousse, dans lequel elle relate la trouble relation qui unit une épouse de fermier blanche et un domestique noir.

La consécration littéraire interviendra en 1962, avec Le carnet d'or, qui recevra le prix Médicis étranger en 1976. Les années suivantes verront Doris Lessing au cœur des débats littéraires et sociaux de son temps : féminisme, anti-colonialisme, lutte contre l'apartheid. Elle se passionnera également pour la psychanalyse jungienne, le soufisme et l'interprétation des rêves.

Tout ceci se retrouve évidemment dans son œuvre, profondément autobiographique, par touches. Ses personnages, souvent ambivalents et complexes, son style composite et protéiforme - elle emploie le cut-up, la citation d'articles de presse, des extraits de journaux intimes, le récit onirique) reflètent les interrogations, l'absence de certitudes et le mal-être propres à une époque post-moderne, défiante à l'égard des idéologies et des cadres de pensées trop rigides. S'y retrouvent également les lieux qu'elle aime, l'Afrique australe, ses relations complexes avec les hommes de sa vie ainsi que ce sentiment de perte qui abîme les désirs assouvis, motif que l'on retrouve fréquemment dans la trame de ses personnages.

L'âge aidant, peut-être, le pessimisme inhérent à ses premières œuvres s'adoucira, sans rien céder à une quelconque naïveté. Ne nous y trompons pas, la révolte est toujours là, le feu couve encore derrière ces yeux clairs et la phrase est toujours acide et cruelle pour ses ennemis : qu'il s'agisse de Tony Blair – « un petit homme, à tous les sens du terme » - ou des féministes, héritières de ses luttes passées : « ces femmes devenues horribles avec les hommes ». La franchise est un luxe qu'elle peut se permettre, elle a son œuvre pour elle et le talent pour faire passer son message, avec humour et fermeté.

Toujours controversée dans les pays anglo-saxons qui n'aiment pas se voir à son miroir, l'œuvre de Doris Lessing a toujours été bien accueillie en France, en témoigne ce prix Médicis du roman étranger reçu en 1976.


Photographie : © Elke Wetzig

Bibliographie