l y a des visites longtemps attendues qui déçoivent. Parfois parce que l'invité n'est pas à la hauteur de nos espérances, parfois parce que nous ne sommes pas à même d'établir le dialogue et que rien ne se dit, finalement, d'important et d'essentiel. Il en est d'autres qui enchantent. Où tout se passe si bien, si idéalement, que l'on finit par se demander si l'on n'a pas un peu rêvé ces instants... Rassurez-vous, la visite du génial Donald Westlake en nos murs appartient à cette seconde catégorie.
Le 5 mars, donc,
nous recevions une pléiade d'auteurs de romans noirs. Le jubilatoire Donald
Westlake, le très noir Richard Starck, Tucker Coe, père de l'ex-flic Mitch Tobin
étaient là. Présents également, Timothy H. Culver, J. Morgan Cunningham, Harry
Harrison, Curt Clark, Aman Marshal, Edwin West et
l'énigmatique Grace Salacious. Ces écrivains, tous
américains, ont une particularité : ils se sont incarnés en
une seule et même personne, connue sous l'état civil officiel de
Donald Westlake. Ce sont en effet quelques uns de la trentaine de pseudonymes -
sans compter les pseudos de scénaristes, lorsqu'il travaille pour le cinéma
- qu'emploie l'écrivain, désormais septuagénaire selon le ton et le héros de
ses romans. A l'humour souvent noir de Westlake l'écrivain, il oppose par exemple
la froideur insensible de Richard Starck et de son héros Parker, un dur à cuire
pur jus et sans scrupules.
L'homme présent ce jour là est un malicieux papy, souriant et concentré
qui écoute patiemment les questions de son interviewer et y répond avec
précision. Il nous parle de ses personnages comme s'il s'agissait de personnes
réelles. Certains ont changé avec le temps, d'autres pas et n'ont aujourd'hui
plus rien à dire. Il semble parler d'amis ou de voisins, proches ou lointains,
oubliés parfois.
Sa méthode n'a rien de très universitaire : il laisse l'intrigue
se construire – toute seule si on veut bien le croire – au fil des pages.
Il finirait presque par se décrire comme un journaliste relatant les faits
et méfaits d'armes de ses personnages. On sait bien que le secret n'est pas
là, mais d'un maître du mystère, on ne peut attendre qu'il dévoile tous ses
secrets.
Les nombreux fans présents ce jour là n'auront donc pas eu droit au show
d'une star descendue des limbes leur porter la vérité du roman. Il fut
simplement question de passer une heure et demie en compagnie d'un grand – très
grand – écrivain qui, et c'est une chance, se trouve être un mec
bien...
Merci monsieur Westlake.
Pour en savoir d'avantage, on lira avec profit le dossier que les libraires du rayon Polar - insondables puits de science - ont consacré à Donald Westlake et à ses hétéronymes.