Un
hasard ?
On annonçait ce 15 avril la fin du séquençage du
génome humain, par une équipe internationale réunie sous l'égide du Consortium International. Curieusement, cette annonce intervient quelques jours à peine
avant les célébrations du 50ème anniversaire de la découverte de la structure de
l'ADN par Franck Crick et James Watson, publiée dans la revue Nature, le 25 avril
1953.
Un dessin et un article d'à peine deux pages qui, un jour, changeront l'humanité. La découverte : la structure moléculaire de l'ADN (Acide
Désoxyribonucléique), la molécule porteuse du code génétique de tout habitant du monde vivant. Un tortillon aux bords en hélice. Ce dessin, et l'étrange maquette qu'il représente
répondent aux questions que le monde scientifique se pose depuis qu'en 350 avant
JC, Aristote distribuait les rôles de l'hérédité en désignant le père comme
l'architecte (la forme) et la mère comme constructrice (le
matériau).
Vingt-trois siècles plus tard, après bien des découvertes (les
petits pois de Mendel, la nucléine de Mieschler et autres chromosomes sexuels de
la mouche à fruit découverts par Thomas Hunt Morgan), intervient un quintette de
savants brillants et originaux. Franck Krick et James Watson, les découvreurs ;
Linus Pauling, l'inspirateur ; Maurice Wilkins, le père, qui réussi à saisir la première
image d'une molécule d'ADN et, comme dans tout bon roman qui se respecte, la
femme : Rosalind Franklin, collaboratrice de Wilkins, dont les observations
seront déterminantes pour le succès de l'aventure.
En 1951,
se pose une question. On connaît l'ADN, on suppose bien qu'il joue un rôle dans
la transmission du patrimoine génétique, mais personne ne peut dire lequel ni
comment il le joue. La faute en est à la structure supposée de cette molécule :
un trèfle à quatre feuilles ( chaque feuille correspondant à une base – adénine,
cytosine, guanine et thymine- ACGT). Où se passent le échanges de caractères et
comment ? Telles sont les questions que pose cette étrange
structure.
Interviennent alors nos deux jeunes héros. James Watson a
vingt-cinq ans. Athée, curieux et anticonformiste, il a quitté l'ornithologie
pour la génétique et se passionne pour cette science alors balbutiante. Franck
Crick est lui anglais. Il est physicien et réputé pour son intelligence et son
brio.
Cette année là, les deux hommes vont se rencontrer au Cavendish de
Cambridge, haut lieu de la recherche en cristallographie aux rayons X,
discipline d'élection de Crick.
Watson a l'intuition que l'ADN est la seule
molécule porteuse du génome, et non une parmi d'autres comme le pense Linus
Pauling. Cette idée sera la clé du succès du duo de chercheurs, lui conférant
plusieurs longueurs d'avance sur Pauling.
Rosalind Franklin (la femme), a plusieurs fois présenté publiquement ses travaux, des photographies de la molécule d'ADN. Ces images inspireront CricK et Watson qui, ayant plus ou moins élégamment eut accès au dernier des clichés pris par Franklin, découvrent cette structure en double hélice et construisent une étrange maquette, un escalier en colimaçon bosselé et irrégulier. Ils ont toutefois commis une erreur sur les liaisons des quatre bases et ne doivent leur salut qu'à l'intervention d'un confrère chimiste qui corrigera leur bévue. Et c'est alors que se révèle le secret de la transmission des caractères génétiques : les bases sont appariées deux à deux, ce qui permet à une hélice, lors de la scission de la molécule, de se recombiner avec une autre dans une nouvelle double hélice.
L'article, fort modeste, est donc publié le 25 avril 1953, signé des seuls Crick et Watson, et c'est l'acte de naissance de la génétique moléculaire. En 1962, Crick, Watson et Wilkins reçoivent le Prix Nobel de Médecine pour leur découverte. Rosalind Franklin est morte en 1958, d'un cancer des ovaires probablement du à une trop longue exposition aux rayons X. Linus Pauling, le perdant de la course, qui avait déjà reçu un prix Nobel de chimie, reçut la même année le Nobel de la Paix pour sa lutte contre les essais nucléaires.
Voici donc qu'aujourd'hui, les héritiers de Crick et Watson ont terminé le séquençage du génome humain. En résolvant le problème de la structure et de la réplication de l'ADN, ils répondaient à deux des plus grandes questions de la biologie moderne et contribuaient également à l'émergence d'une nouvelle discipline et de ses interrogations cruciales pour l'avenir du vivant : la bioéthique.
H.d.D.
Pour en savoir plus : Celebrating 50 years of DNA (en anglais)
Franck Crick et James Watson à
Cambridge
(Courtesy of the Cold Spring Harbor Laboratory
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