Né le 4 janvier 1914, à Provins (Seine-et-Marne),
Jean-Pierre Vernant n'a pas connu son père, tué dans les combats de la première
Guerre Mondiale. Egalement trop tôt privé de sa mère, il sera, à l'instar de
son frère aîné Jacques, une élève studieux puis un étudiant brillant. Il est reçu
– comme son frère en 1935 – premier à
l'agrégation en 1937.
Homme d'étude et de pensée, le jeune Vernant est aussi homme
d'action : les habitués du Quartier Latin l'ont vu dès 1934 manifester
très physiquement son désaccord avec les idées fascistes en vogue en ces
temps-là. Cet engagement se concrétise également par une adhésion au Jeunesses
Communistes, inaugurant une relation difficile avec le Parti qu'il quittera et
rejoindra plusieurs fois avant de rendre définitivement sa carte en 1970.
Mais chez le jeune philosophe, l'engagement se fait
également en actes. Mobilisé au début de la seconde guerre mondiale, la débâcle
le renvoie à Narbonne où, auprès de son frère il va entrer en résistance.
D'abord en publiant quelques uns des premiers tracts appelant à lutter contre
l'invasion allemande puis, à la demande des époux Aubrac, il devient responsable
du mouvement Libération pour la Haute Garonne jusqu'à la Libération.
Après la guerre, vient le temps de l'étude menée en
parallèle à son engagement – pour le moins tumultueux – au PCF. Il entre au
CNRS en 1948, qu'il quittera en 1957 pour devenir directeur d'études à l'Ecole
pratique des hautes études.
Les Origines de la
pensée grecque paraissent en 1962. Ce livre est l'acte de naissance de
Vernant l'historien qui va révolutionner l'histoire grecque en introduisant
dans son corpus théorique les travaux d'anthropologues tels que Georges
Dumézil, Claude Lévi-Strauss et Ignace Meyerson. En s'interrogeant sur les
causes de l'avènement de la pensée rationnelle dans le monde grec, Vernant mets
à bas le dogme du miracle grec et propose une visions globale qui voit la
pensée hellénistique se détacher du mythe pour entrer sous l'empire de la
raison. Le moteur de cette mutation est selon lui d'ordre contextuel. Ce n'est
pas seulement dans le mythe qu'il faut en chercher la cause mais dans
l'histoire sociale, politique, juridique et économique. La marche vers la
raison qui aboutira à la naissance de l'idée de démocratie reconstruit donc un
monde grec inédit.
L'hostilité affirmée des hellénistes français aux thèses de
Vernant est largement compensée par l'attrait que ces dernières offrent à une
jeune génération d'intellectuels. Nicole Loraux, Alain et Annie Schnapp,
François Hartog, François Lissarrague, Françoise Frontisi-Ducroux, Pauline
Schmitt-Pantel, Hélène Monsacré deviendront les meilleurs continuateurs de l'œuvre
de l'historien militant. Cette œuvre sera également faite de rencontres. Pierre
Vidal-Naquet, avec lequel il écrira Mythe et tragédie en Grèce ancienne et La
Grèce ancienne, Marcel Détienne (Les
ruses de l'intelligence, la Métis des Grecs), Jean Bottéro et Elena Cassin,
seront amis, collègues et parfois co-auteurs.
Elu professeur au Collège de France en 1975, Jean-Pierre Vernant
a entre-temps fondé le Centre de recherches comparées sur les sociétés
anciennes.
Le passé est donc un miroir du présent. Les questions
grecques sont les questions d'aujourd'hui. On s'interroge encore sur la
dichotomie religion-démocratie, sur la place de la pensée magique dans notre
univers rationnel. La démocratie a presque trois millénaires d'histoire à nous
offrir et se pose pourtant chaque jour la question de son avenir. Vernant n'est
désormais plus là pour nous enseigner. Restent ses livres.
Chez Maspero (La Découverte) :
Mythe et pensée chez les Grecs (1965)
Mythe et société en Grèce ancienne (1974)
Religion grecque, religions antiques (1976)
Religion, histoires, raisons (1979).
Chez d'autres éditeurs :
Les Origines de la pensée grecque (PUF, 1962)
La Mort dans les yeux (Hachette, 1985)
L'Individu, la mort, l'amour (Gallimard, 1989)
Mythe et religion en Grèce ancienne (Seuil, 1990)
L'Univers, les dieux, les hommes. Récits grecs des
origines (Seuil, 1999).
Entre mythe et politique (Seuil, 1996) et La
Traversée des frontières (Seuil, 2004).
Avec Pierre Vidal-Naquet :
Mythe et tragédie en Grèce ancienne (tome 1 : éd.
Maspero, 1972 ; tome 2 : La Découverte, 1986)
Travail et esclavage en Grèce ancienne (Complexe,
1988)
Avec Marcel Détienne :
Les Ruses de l'intelligence (Flammarion, 1974)
La Cuisine du sacrifice en pays grec (Gallimard,
1979)
Sous la direction de Jean-Pierre Vernant :
L'Homme grec (Seuil, 1993)
Mythes grecs au figuré, de l'Antiquité au baroque
(Gallimard, 1996).
Sources ; Le Monde, Libération, Wikipédia ainsi que les
différents ouvrages de Jean-Pierre Vernant.