Chargement...
Chargement...

Longue absence, belle présence.

86_longue-absence-belle-presence
Publié le 25/09/2002
Après 50 ans d'oubli, Le Pianiste fut un magnifique succès de librairie. Souhaitons-lui d'être également un succès de salles obscures, où il sort ces jours-ci.

En 1998, Andrzej Szpilman découvrait le manuscrit des mémoires de son père et, après l'avoir lu, songeait à le faire publier. Ainsi débutait l'aventure d'un livre, conte de fées pour éditeur, qui devait rencontrer un véritable triomphe dans toutes ses éditions. Ce livre, désormais célèbre,  c'est Le Pianiste ,  de Wladyslaw Szpilman, autobiographie d'un homme en  temps de guerre où le héros, juif polonais et pianiste de génie, parvient à survivre au Ghetto de Varsovie grâce à l'aide apportée par un officier Allemand.

Wladyslaw Szpilman était pianiste et compositeur ; né en 1911, en Pologne, après des études à Berlin il est engagé en 1935 par la radio d'Etat polonaise. En septembre 1939, alors qu'il interprétait le Nocturne en ut dièse mineur de Chopin, une bombe détruisait l'émetteur et interrompait l'émission de radio qu'il animait.
Six années d'horreur vont suivre au cours desquelles Wladyslaw échappera miraculeusement aux rafles anti-juives qui videront le ghetto de Varsovie de près de 300 000 de ses habitants, à l'insurrection du ghetto de 1943, à la faim, à la maladie et aux privations de la guerre et ce, entre autres, grâce à l'aide de Wilm Hosenfeld, officier allemand.
Sur les 350 000 habitants de confession juive que comptait Varsovie avant-guerre, seuls une vingtaine survivront, Wladyslaw Szpilman en était.
En 1946, cette aventure fit l'objet d'un livre autobiographique, Mort de la ville , dont le ton détaché et authentique recréait à merveille le ghetto tel que son auteurl'avait connu. La parution de l'ouvrage fut interdite par les autorités communistes de l'époque, peut-être parce que l'auteur mentionnait avec trop de lucidité l'absence de réaction des résistants communistes polonais et de l'armée soviétique pourtant proche, aux massacres perpétrés dans le ghetto alors qu'ils en étaient tenus informés par les résistants juifs.

C'est donc en 1998 que le fils du héros redécouvre le manuscrit du livre et le fait éditer en Allemagne où il connaît le succès. Succès qui se transformera en triomphe lors de sa publication dans d'autres pays d'Europe. Et triomphe de lecteurs. Car c'est sans campagne de presse tapageuse, avec le seul soutien de quelques critiques bouleversés  par  l'atroce beauté et la leçon d'espoir portées par ce récit que le livre trouvera ses premiers lecteurs attentifs et bientô passionnés. Le bouche à oreille fera le reste, et ce sont plusieurs centaines de milliers d'exemplaires de ce livre qui se vendront, prouvant par là que, contrairement à ce que certaines « autruches » pensent, l'on peut - et doit - encore écrire sur l'Holocauste.

Ce livre finira par tomber sous les yeux d'un lecteur célèbre, Roman Polanski, qui,  touché à son tour l'adaptera pour l'écran avec le magnifique Adrien Brody dans Le rôle titre. Ce film sort ce mercredi sur les écrans français après avoir obtenu la Palme d'or au dernier festival de Cannes.

On y retrouve le ton de Szpilman, détaché et lucide, pointant l'inhumanité des nazis et l'étrange humanité de son sauveur ; cet officier allemand qui au lieu d'un juif condamné vit en lui un interprète de génie. Le film pose aussi la question : si Szpilman n'avait été que Juif ; ni pianiste, ni génie, aurait-il survécu ?
Il est également notable que Roman Polanski, polonais lui-même, n'épargne en rien ses compatriotes et apporte par la un pierre essentielle à l'historiographie polonaise de cette période.

En 1945, Wladyslaw Szpilman fut rétabli dans ses fonctions de pianiste à la radio d'Etat polonaise. Lors de sa première émission, il joua, en entier cette fois, le Nocturne en ut dièse mineur de Chopin.

Il s'est éteint le 6 juillet 2000, à l'âge de 88 ans.

 



Adrien Brody et Roman Polanski

Photo : Guy Ferrandis / H&K