Chargement...
Chargement...

Parti avant la gloire

189_parti-avant-la-gloire
Publié le 18/07/2003
L'écrivain chilien Roberto Bolaño s'est éteint mardi à Barcelone. Ses derniers livres lui avaient valu un début de célébrité qui le rendait perplexe...

On devrait, un jour, annoncer la naissance d'un grand écrivain. Pouvoir publier sur ce site : " Aujourd'hui, 17 juillet 2003, est né Untel Untel qui, en 2029, publiera son premier roman et obtiendra en 2063 le Prix Nobel de littérature pour l'ensemble d'une œuvre tout entière vouée à l'exploration des âmes... "

Au lieu de cela, c'est encore une mort que l'on relate ; celle de Roberto Bolaño, voix singulière de la nouvelle littérature Sud-Américaine, auteur d'une poignée d'ouvrages traduits en Français et qui laisse pour la légende un pavé de plus de mille pages qui devait (évidemment) devenir son grand-œuvre : 2666.

Né en 1953, à Santiago du Chili, Roberto Bolaño s'est éteint le 15 juillet, à l'hôpital de Barcelone où il avait été admis en attente d'une greffe de foie.

Tôt expatrié après avoir suivi ses parents au Mexique et aux Etats-Unis, ce fils d'un ancien boxeur professionnel est retourné au Chili. En 1977, militant d'extrême gauche, il fut arrêté, emprisonné, et ne dut son salut qu'à ses fortuites retrouvailles avec d'anciens camarades de collège devenus policiers. Cet épisode tragi-comique l'obligea à émigrer vers l'Espagne ou il vivait depuis dan un petit village au sud de Barcelone.

Fondateur d'un mouvement littéraire éphémère : l'infra-réalisme, héritier heureusement peu respectueux de Borges, Cortazar, Artl ou Onetti, son onirisme cruel rendait adroitement compte des bouleversements secrets ou visibles de l'Amérique Latine contemporaine. A la manière d'un Max Aub, il fait, dans La littérature nazie en Amérique, l'inventaire peu glorieux d'écrivains fictifs fascinés par les fascismes contemporains.

Son dernier ouvrage en cours d'écriture s'interressait pour sa part aux meurtres de Ciudad Juarez, ville frontière américano-mexicaine ou l'on a retrouvé près de 300 corps féminins assassinés et mutilés.

De lui Philippe Lançon écrit : " Bolaño semble animé d'une étrange modestie, d'une ambition comme déprimée par la vie. Les ratés, les oubliés, les méconnus demeurent ses meilleurs compagnons de route. Entrer en gloire ne serait pas seulement les trahir : ce serait, sans doute, perdre son oeuvre. "

Après quelques livres et avant la gloire qu'il méritait et que, de toute façon, il aurait fuie, Roberto Bolaño est mort. Son roman paraîtra sans ses corrections et toujours il y aura ce doute : à quoi aurait-il ressemblé si l'auteur avait vécu ? Mais nous savons, depuis Robert Musil, que parfois, les auteurs morts font de grandes œuvres.