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Records et polémique, la foire du livre de Francfort.

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Publié le 10/10/2003
Le plus grand rendez-vous mondial de l'édition se tient chaque année à Francfort. Etat des lieux et perspectives...

Cela ne dira pas grand chose au profane mais beaucoup au professionnel : la foire du livre de Francfort a ouvert ses portes jeudi dans un bruissement de rumeurs, records et scandales avec la Russie comme invité d'honneur.

Les rumeurs, bien sûr, sont le lot traditionnel des grands rendez-vous de la profession du livre. Entre un marché européen de la littérature en berne, les résultats médiocres de l'édition allemande et les difficultés que rencontrent nombre d'éditeurs parmi les plus puissants d'Europe, l'observateur averti se dit que le temps des grands regroupements n'est pas achevé et que s'annoncent peut-être d'autres mariages plus ou moins raisonnables. La réorganisation du secteur de l'édition est en effet un feuilleton à multiples rebondissements qui passionne les éditeurs ainsi que les journalistes spécialisés. Le feuilleton VUP/Hachette, qui devrait connaître son dénouement à la fin du mois d'octobre avec le verdict de la commission européenne sur la viabilité de l'opération est, bien entendu, au centre de touts les conversations.

De records, il n'est question que de cela cette année : le plus petit livre du monde – un recueil de poèmes de Pouchkine de moins d'un centimètre de haut ; le plus gros livre au monde – 50 x 50 cm et 34 kilogrammes consacrés à Mohammed Ali. L'ouvrage, intitulé G.O.A.T. (Greatest Of All Times) et publié par le célèbre éditeur allemand Taschen, sera mis en vente dans deux versions qui coûteront respectivement 7500 et 3000 euros – seront présentés au cours de cette semaine allemande.

D'autres records sont revendiqués par les organisateurs de la première foire professionnelle au monde. Record du nombre d'exposants : 6.611 venus de 102 pays, record du nombre d'ouvrages présentés : 350 000 et record espéré d'affluence avec plus de 260 000 visiteurs attendus. De quoi redonner un peu de bonne humeur à un marché aussi morose que les organisateurs de la foire qui espèrent ainsi renverser une conjoncture tristounette : les ventes de livres ont chuté de 2% en 2002 en Allemagne et la tendance semble se confirmer en 2003. On attend donc des éditeurs européens qu'ils fassent preuve d'un peu d'invention afin de redonner à un public rendu de plus en plus difficile à séduire par une offre de produits culturels et divertissants chaque jour plus riche, le goût des livres et de la lecture.

On le sait, le scandale fait vendre. Les complications diplomatiques franco-italiennes avaient braqué les projecteurs sur le Salon du Livre de Paris 2003, c'est au tour de Francfort de renouveler l'expérience avec un hôte parfois un peu embarrassant, la Russie de Vladimir Poutine. La spectaculaire renaissance du secteur éditorial russe et la vitalité de sa création littéraire justifiaient que le monde du livre s'intéressât à cet immense pays et à ses livres. L'Allemagne est d'ailleurs un des principaux débouchés commerciaux des traductions russes. Les romans policiers russes y connaissent un grand succès et les épigones d'Alexandra Marinina y font florès. Le quotidien belge Le Soir rend compte dans son édition du 10/10/03 d'une affaire qui pourrait tourner au scandale et ternir l'image dèja trouble des éditeurs russes : Anna Politkovskaia, reporter russe, passionnée par la guerre de Tchétchénie, journaliste mondialement reconnue et auteure de La Conscience de la Russie, ouvrage polémique partiellement consacré aux exactions russes a vu son invitation à Francfort purement et simplement annulée. Refusant d'admettre avoir cédé aux pressions d'officiels russes, les organisateurs du richissime salon professionnel allemand ont invoqué des restrictions budgétaires… Qui écrira La conscience de Francfort ?

Gros sous, potins et politique sont donc au menu de cet immense marché des droits et traduction. Contacts, discussions et accords pris à Francfort décident souvent d'une bonne part de la vie des littératures étrangères en Europe. On lira d'ailleurs avec attention les dossiers consacrés à la foire dans Libération et dans le supplément Livres du Monde .