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Architecture écologique

Publié le 31/12/2007
Comment concevoir, édifier, aménager le bâtiment sans compromettre l'avenir des générations futures ? Démarche HQE, conception bioclimatique, écoconstruction, maison passive, développement durable, sont des notions complexes mais fondamentales pour qui souhaite bâtir un projet écologique, s'impliquer en tant qu'usager ou simplement comprendre les enjeux de l'architecture d'aujourd'hui. Entretien avec Olivier Lehmans, architecte à Bordeaux.

Pourriez-vous évoquer votre parcours professionnel ?
J'ai étudié l'architecture à Bordeaux et passé mon diplôme en 1991. Étudiant, j'étais fasciné par les architectures de Frank Lloyd Wright et d'Alvar Aalto, leur relation avec le paysage. En Aquitaine, l'architecture moderniste et régionale d'Yves Salier, les idées poétiques de Jacques Hondelatte et le travail minimaliste d'Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal m'ont marqué. Lors d'un séjour aux Etats-Unis en 1992, j'ai découvert la notion de sustainable architecture. Installé à Bordeaux, j'ai d'abord travaillé sur l'existant. En 2003, j'ai remporté un concours pour concevoir une maison en Aquitaine selon la démarche HQE (Haute qualité Environnementale). Aujourd'hui je travaille uniquement à concevoir et réaliser des projets « écologiques » et contemporains.

Qu'est ce que la démarche HQE ?
C'est une liste de quatorze cibles déclinées en cinquante points qui désignent les objectifs à atteindre pour considérer qu'une construction respecte l'environnement. Ces cibles semblent évidentes pour les architectes dont la démarche consiste, en principe, à prendre en compte le contexte dans toutes ses dimensions pour construire un projet. Elles ont donc plutôt une visée pédagogique et incitative pour les maîtres d'ouvrage.
L'ADEME   a publié un ouvrage intitulé : Qualité environnementale des bâtiments. Manuel à l'usage de la maîtrise d'ouvrage et des acteurs du bâtiment. L'intérêt de ce livre réside dans sa tentative de dégager une méthode pour aborder la question du développement durable . La démarche HQE énumère les paramètres du développement durable pour ce qui concerne la maîtrise de l'énergie, la qualité de l'air et de l'eau dans les bâtiments, mais aussi la qualité des matériaux ou l'impact des travaux. Les quatorze cibles sont regroupées en quatre familles : l'écoconstruction, l'écogestion, le confort et la santé. L'écoconstruction n'est donc qu'une partie de la démarche de qualité environnementale.
Dans le cadre privé, on n'a pas nécessairement besoin de passer par une méthode aussi systématique et formelle. Par contre, dans le cadre du marché public, c'est important d'utiliser cette méthode, surtout pour communiquer avec l'ensemble des acteurs du bâtiment : industriels, entreprises, bureaux d'études… En ce sens, la méthode HQE est pratique parce qu'elle est un guide pour aider à mieux définir le programme et le cahier des charges, puis à gérer les étapes de la maîtrise d'œuvre tout au long de la construction du projet. Pour une école, on sera attentif à l'acoustique, la visibilité, la facilité d'usage, l'accessibilité, la qualité des matériaux, les ambiances… Pour une usine, on veillera à l'impact sur le voisinage, son image dans le paysage, aux éventuelles nuisances dans l'air, aux nuisances sonores, etc. Ces choix sont pointés depuis l'esquisse jusqu'à la réalisation et la livraison du bâtiment, maintenance et utilisation comprises.

Le label HQE, dont se réclament de plus en plus de projets, est vivement critiqué : il suffit d'atteindre seulement quatre cibles sur une liste de quatorze. On voit des bâtiments HQE sans protection solaire et avec climatisation. Et il n'y a pratiquement pas de contrôle4.
Trois ou quatre points c'est déjà mieux que rien du tout. C'est une tentative de faire évoluer la construction en prenant conscience que le bâtiment est très consommateur d'énergie et produit 40 % des gaz à effets de serre en France. C'est vrai qu'il y a des controverses au sujet de la HQE, qui a connu des dérives technocratiques et économiques (coût des stages et de la labellisation, notamment), et peut aboutir à un formalisme qui cache la réalité d'attitudes peu attentives à l'environnement. Mais j'en retiens surtout la méthode, l'intention. Je n'ai pas fait de stage HQE, je me suis formé sur le tas, en participant à un concours en 2003 pour concevoir une maison HQE en Aquitaine. J'ai proposé une maison en ville, car beaucoup de questions écologiques sont soulevées au cœur de la ville et c'est là qu'il faut trouver des solutions.

Quels critères président au choix des matériaux de construction dans la démarche HQE ?
Pour analyser un matériau, on doit envisager toute son histoire : sa production, sa provenance, les ressources nécessaires pour le fabriquer, son transport et sa commercialisation. Nous vivons dans un monde d'une complexité extraordinaire dont nous sommes de plus en plus responsables. Il est important de se demander si les ressources utilisées sont en quantité suffisante, limitée ou en voie de disparition : je pense à certaines essences d'arbres qui sont fragiles, certaines matières premières qui ne sont pas renouvelées. Pour le bois, par exemple, on utilisera des essences issues de forêts exploitées durablement (on coupe un arbre, on en plante un autre). Il faut penser aussi à réduire les transports qui produisent beaucoup de CO2 : nous avons suffisamment de bois en Europe pour éviter d'en faire venir du Brésil, d'Asie ou d'Afrique où il y a beaucoup de déforestations et où la main d'œuvre est souvent exploitée. On évitera d'utiliser les bois traités.
Ensuite, vient la question sur la façon dont ce matériau est transformé : quelle quantité d'énergie, quelle pollution engendrée… Il y a donc en amont à repenser certains processus industriels. Enfin, une fois le matériau produit et mis en œuvre, on analyse quel sera son impact environnemental. Il y a des matériaux biodégradables, recyclables, et d'autres inertes qui n'ont aucun impact physico-chimique sur le milieu… Certains matériaux sont très peu « HQE » en première vie comme l'aluminium, dont la fabrication demande beaucoup d'énergie à partir d'une matière première non renouvelable comme la bauxite, et qui en seconde vie s'avèrent très « HQE » parce qu'ils sont facilement recyclables. C'est ce qu'il est nécessaire d'évaluer pour limiter l'empreinte écologique du bâtiment. On peut aussi prendre en compte l'évolution et l'adaptabilité d'un bâtiment dans le temps grâce à des systèmes assez simples de cloisons mobiles ou démontables, à des choix raisonnés pour les réseaux, par exemple. On pourrait aussi parler de l'eau, de la santé, des autres cibles.

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