Fred Vargas est née à Paris en 1957 d'une mère chimiste et d'un père à l'esprit artiste et curieux de tout, qu'elle se plaît à surnommer "une encyclopédie humaniste", dont elle revendique
l'influence sur sa formation d'adulte. Passionnée par les fouilles et par la
Préhistoire, après le Baccalauréat elle poursuit des études d'Histoire, devient archéozoologue, spécialiste du Moyen Age - science consistant à comparer des ossements d'animaux avec les textes d'époque et autres données archéologiques -
et chercheur au CNRS.
Elle a un frère, Stéphane, dit "Stéph", et surtout
une soeur jumelle (fausse jumelle), Joëlle, dit "Jo" avec qui elle partage un
atelier de travail : tandis qu'elle-même, Frédérique, dit "Fred", écrit, Jo
peint, chacune étant l'alter ego artistique de l'autre. Les deux soeurs ont
choisi de porter le même nom d'artiste : Vargas, en hommage à l'actrice Ava
Gardner qu'elles admirent - référence au rôle de Maria Vargas qu'elle
interprétait dans le film de Joseph Mankiewicz La comtesse aux pieds
nus. Dans son premier roman Les jeux de l'amour et de la
mort (1986), Fred Vargas imagine une histoire qui tourne autour
d'un peintre et d'un demi-frère qui lui ressemble (tiens, tiens) comme un
jumeau… Pour un coup d'essai, c'est réussi ! car le Prix Cognac du premier roman, décerné sur manuscrit, lui est
attribué.
Un
univers
L'univers de Fred Vargas est poétique, ce qui pourrait
paraître insolite dans le milieu du polar ! C'est qu'elle anime dans ses romans
policiers - ses "rom' pol'", comme elle les appelle - tout un petit monde qui
n'appartient qu'à elle, atypique et attachant. Elle possède un humour singulier,
un style savoureux qui allie fantaisies de langage et expressions détournées du
sens commun. Plaisir des mots, intrigues aux ressorts inattendus auxquelles elle
fait adhérer son lecteur, car au diable le réalisme, l'intérêt est ailleurs :
dans des traces, des détails, des indices semés, des bouts de ficelle que l'on
tire sans savoir ce qu'on va trouver au bout - un peu comme en
archéologie...
Ce n'est peut-être pas un hasard si ses livres reposent sur
de petits riens, comme des caillous exhumés de l'imagination : dans
Un peu plus loin sur la droite l'intrigue s'articule
autour d'un déchet blanchâtre retrouvé au milieu d'excréments canins, qui se
revèle être une phalange d'os... humain ! Dans L'homme aux cercles
bleus, les Parisiens découvrent au matin des cercles bleus tracés
à la craie sur les trottoirs, dans lesquels sont posés un objet, un débris, un
déchet, trombone, bougie, patte de pigeon, jusqu'au jour où...
Debout les morts s'ouvre sur un arbre qui a poussé en
une nuit dans un jardin... Le mythe du loup-garou sert de toile de fond à
L'homme à l'envers : quel animal a laissé ses
impressionnantes marques de crocs sur les cadavres des brebis du Mercantour ? Si
l'assassin de Sans feu ni lieu laisse derrière lui
d'étranges traces sur le sol, c'est parce qu'il joue aux osselets près de la
tête de ses victimes… Dans Pars vite et reviens tard,
de curieux graffitis tracés à la peinture noire sur des portes d'appartements
aux quatre coins de Paris sèment l'inquiétude, une sorte de 4 inversé, muni de
deux barres sur la branche basse, en dessous trois lettres mystérieuses ; la
rumeur se propage, la peste serait-elle de retour ? Dans Sous les
vents de Neptune, ce sont trois trous rouges qui font sens : le
meurtrier utilise un trident pour tuer ses victimes... Des fragments de dents
trouvés au fond d'une boîte lors d'un cambriolage constituent le prélude à
l'intrigue des Quatre fleuves...
Ses
personnages
Elle met en scène des personnages qui ont en commun d'être un peu décalés, doux rêveurs, et surtout
humains :
Le plus célèbre étant certainement le singulier commissaire Jean-Baptiste Adamsberg - dont le nom, si on traduit, signifie : " Saint-Jean le Baptiseur de la Montagne d'Adam " - découvert dans L'homme aux cercles bleus (1990) et que l'on retrouve dans trois autres romans : L'homme à l'envers (1999), Pars vite et reviens tard (2001) et Sous les vents de Neptune (2004), ainsi que dans le recueil de nouvelles Coule la Seine (2002).
"Dans le commissariat où il avait débuté à vingt-cinq ans, ils disaient qu'il était "sylvestre". Peut-être en référence à la sauvagerie, à la solitude, il ne savait pas au juste... Il avait débrouillé coup sur coup au
cours des cinq années suivantes quatre meurtres d'une manière que ses collègues
avaient trouvée hallucinante, c'est-à-dire injuste, provocante. "T'en fous pas
une rame, Adamsberg, ils lui disaient ; tu es là, tu traînes, tu rêves, tu
contemples les murs, tu griffonnes des croquis sur tes genoux, comme si t'avais
la science infuse et la vie devant toi, et puis un jour tu rappliques,
nonchalant, gentil, et puis tu dis : "Faudrait arrêter monsieur le curé, il a
étranglé le petit pour ne pas qu'il raconte".
De lui-même, Adamsberg
constate : "Je parle lentement, j'ai beaucoup de mal à me résumer, souvent même
je m'égare. Je suis un homme vague... Je fais tout lentement. Je suis un homme
lent".
Promu inspecteur, puis commissaire, Adamsberg quitte ses
Pyrénées pour prendre ses fonctions à Paris dans le commissariat du 5ème
: "Les regards de ses nouveaux collègues lui avaient rappelé ceux des
Pyrénées…, le même effarement discret, les mots murmurés derrière lui, les
hochements de têtes… toutes ces animations dans le silence qui veulent
dire : mais qu'est-ce que c'est que ce type ? Doucement il avait
souri, doucement il avait serré les mains, expliqué et écouté, parce
qu'Adamsberg faisait toujours tout doucement. Mais au bout de onze jours, ses
collègues ne s'approchaient toujours pas de lui sans l'expression d'hommes se
demandant à quelle nouvelle espèce du monde vivant ils ont affaire, et comment
on le nourrit, et comment on lui parle, et comment on la distrait et comment on
l'intéresse… La différence avec ses débuts dans les Pyrénées, c'était que
maintenant, sa réputation rendait les choses un peu plus faciles".
Rêveur, s'habillant n'importe comment, toujours en retard, mais doué d'une intuition remarquable, résolvant l'enquête on ne sait comment, tout en faisant de petits croquis de feuilles d'arbres, Adamsberg possède un charme fou, auquel son entourage finit par succomber (et nous aussi, lecteurs !).
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