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Hommage à Michel Deguy, immense poète, philosophe et traducteur.

Publié le 18/02/2022
Insatiable chercheur de mots, Michel Deguy nous a quitté : son oeuvre immense reste avec nous.
Né en 1930, Michel Deguy publie une première plaquette de poèmes Les meurtrières en 1959. Le jeune professeur de philosophie à Paris qui ne peut choisir entre savoir théorique et invention poétique, adopte rapidement une position critique et se méfie de tout rattachement à une école ou mouvement, quel qu'ils soient (littéraires, universitaires, politiques). L'année suivante il rejoint la prestigieuse maison Gallimard à son comité de lecture, et en tant qu’auteur où il publie en 1969 Figurations qui marque une rupture avec la poésie de son époque, reprenant à son compte la fameuse « hésitation prolongée entre un son et un sens » (chère à Paul Valéry) et annonce un style qui ranime la langue et où se répondent « pensée de la poétique » et « poétique de la pensée », métissage de tons, registres, digressions, incises, emprunts, références multiples et créations verbales.

Dans la préface à sa première anthologie Donnant Donnant qui regroupe ses recueils de 1960 à 1980, Michel Deguy donne une clé de sa poétique sous cette formule : « la poésie est beaucoup plus vaste que la poésie », manière de souligner qu'elle excède toujours son horizon d’attente et déborde les limites assignées à son genre en mettant en relation les arts entre eux.

Trente ans d'enseignement à l'université Paris 8 où il dispense des cours sur Du Bellay puis Marivaux lui donnent alors l'occasion de publier deux essais : Tombeau de Du Bellay (1973) et La machine matrimoniale ou Marivaux (1982).
En 1977, il fonde avec Jacques Roubaud la revue Po&sie et fait découvrir, grâce à une attention portée au travail de traduction (Deguy traduit lui-même Paul Celan et Heidegger) de nombreux écrivains et penseurs de tous horizons, ainsi qu’à travers la collection de poésies et d'essais «L’extrême contemporain » qu’il dirige depuis 1990 chez Belin.
En 1989, il préside le Collège international de philosophie (jusqu'en 1992) et reçoit la même année le Grand prix national de poésie, puis en 2004 le grand prix de poésie de l’Académie française.
Un colloque international lui est consacré en 1995 puis un second en 2006 à Cerisy sous le beau titre emprunté au poète anglais John Milton : Michel Deguy, l’allégresse pensive (actes publiés en 2007 chez Belin).
En 2007, Le Grand Cahier Michel Deguy (édition Le Bleu du ciel) dirigé par son ami et universitaire bordelais Jean-Pierre Moussaron vient encore enrichir sa bibliographie avec de nombreuses interventions, études critiques, portraits, lectures inédites (ou épuisées) de/sur l’auteur.
Au sein d’une œuvre exigeante et hybride qu'il nomme « prose pensive » et « prosèmes », Michel Deguy entretient un dialogue infini avec un grand nombre d’écrivains et de philosophes dont il se sent l'héritier (Goethe, Baudelaire, Mallarmé, Hegel, Heidegger, Hölderlin, Nietzsche...) ainsi qu’avec ses proches contemporains : Jacques Derrida, René Girard, Claude Simon, Roland Barthes, Maurice Blanchot, Paul Celan, Louis Aragon, Louis-René Des Forêts, Yves Bonnefoy, Pascal Quignard...


Alors qu’en 2012 Gallimard fait paraître le second volet anthologique de ses poèmes écrits entre 1980 et 2007 sous le titre Comme si, Comme ça, Michel Deguy qui se désigne toujours comme « le poète que je cherche à être » publie près de soixante ans après ses débuts un nouvel ensemble de textes chez Galilée La vie subite : poèmes, biographèmes, théorèmes conjointement à un livre d'entretiens réalisés par Bénédicte Gorrillot : Noir, impair et manque (éditions Argol) qui porte un regard rétrospectif éclairant sur son œuvre et sa vie de « poète et penseur de la poésie », selon les mots de J. Derrida.
Ces deux livres témoignent de sa vitalité créatrice, mais aussi d’un regard toujours incisif porté sur notre modernité qui assigne la poésie à un annuel Printemps des Poètes, alors que selon lui celle-ci est à retrouver, ailleurs, partout et tout le temps. Face aux menaces du capitalisme culturel et la course aux performances technologiques qui détournent l’homme de l’art en prônant le « devenir-image », le poète ose un salutaire pas de côté à la rencontre de l’à-venir et de l’autre, ce frère semblable et différent.



"D'où que tu sois" tu es ici
Tu parles tes poèmes dans la nuit de nos jours
Un nous peut te jurer une fidélité

***

Ce que tu fis de la vie avec ta vie subite son hôte...
La vie à l’œuvre est la vie pour le convivre
Il n'est jamais trop tard pour le trop tard

***

Deux ou trois mots se font pensée
Dans la tête de nuit se posent
Comme pétales faites sensation sur la joue
la pensée de la pensée l'espère

***

Toi c'est moi dans le poème quand il tutoie
Mais si je se tutoie en poème
Ce n'est pas seulement qu'il s'adresse à toi
C'est parce que je suis un toi pour toi
Et ce nous me revient de toi
devient lui pour ce tu
dont je m'adresse à toi


Extraits de La Vie subite (Galilée)

Bibliographie poétique

Deguy l'essayiste

Sur Michel Deguy

Revue Po&sie

Pour en savoir plus

Michel Deguy et Martin Rueff

Martin Rueff pour Différence et identité (Hermann) et Michel Deguy pour La fin dans le monde (He...

Michel Deguy - La vie subite

Rencontre du 9 mars 2017 dans la Station Ausone
« La vie subite : poèmes, biographèmes, théorèmes », aux éditions Galilée

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