Ferenc KARINTHY (1921-1992)
Fils d'écrivain : une lourde tâche, un fardeau à trimballer, surtout dans la Hongrie communiste où les métiers de journaliste, dramaturge ou romancier sont à haut risque. Champion de water-polo, Ferenc Karinthy (1921-1992) supporta avec adresse cette condition et ne se noya pas. Il est en tout cas l'auteur d'un réel chef-d'oeuvre, Epépé, fable à la fois "cauchemardesque et réjouissante"(selon les mots de Libération) dont on sort groggy. Le protagoniste, un linguiste, atterrit dans une ville inconnue et gigantesque qui a tous les aspects d'une mégapole moderne mais reste incompréhensible : quelle langue y pratique-t-on ? Cela restera un mystère tout au long de l'histoire pour cet universitaire qui s'imaginait tout savoir et découvre que sans parole, il est nu, fragile et étranger. Et c'est bien le coeur de ce livre : l'étrangeté au monde qui nous entoure, à ce que nous croyons maîtriser et qui transforme la moindre activité en épreuve. Avec Epépé, F.K. a signé l'une des plus belles fables modernes sur l'incommunicabilité, angoissante et drôle, particulièrement magyare dans son ironie et singulièrement universelle dans ses ressorts.
Imre KERTESZ (né en 1929)
Ecrivain juif, né le 9 novembre 1929 à Budapest, il n'a que quinze ans lorsqu'il est déporté à Auchwitz puis à Buchenwald. Libéré en 1945, il devient traducteur puis quitte son pays pour écrire. Avec un recul glacial, il décrit le quotidien des camps où toute sa famille a disparu. En 2002, il devient le premier écrivain hongrois à recevoir le prix Nobel de littérature. Son roman autobiographique Etre sans destin , qu'il mettra dix ans à écrire, a été publié en Hongrie en 1975 et traduit en France en 1997, est considéré comme l'une des plus grandes oeuvres littéraires sur l'holocauste.
Peter NADAS (né en 1942)
Né en 1942 à Budapest, Peter Nadas est dramaturge, romancier, nouvelliste et essayiste. La publication en 1998 du Livre des Mémoires qui lui valut le prix du Meilleur livre étranger en 1999, l'a imposé comme l'une des voix majeures de la littérature d'Europe centrale. Avec un humour qui rappelle Kafka ou Gombrowicz, son style oscille entre exacerbation, décalage et absurdité.
Peter ESTERHAZY (né en 1950)
Peter Esterhazy (photo) est une célébrité internationale depuis son livre Harmonia Caelestis, un livre épais né d'une recherche minutieuse sur ses origines familiales au temps des années communistes. Mais Peter Esterhazy s'est par ailleurs livré à une forme d'écriture plus ludique avec Une femme, tout un regard posé sur l'amour et la haine générée par la gent féminine et, plus encore, avec L'oeillade de la comtesse Han Han qui pourrait être un livre de voyage entrepris sur le Danube à la rencontre de Vienne et Budapest teintées de considérations encore une fois toutes personnelles. Chacun de ses livres dégage un enchantement d'érudition où jamais ne se perd l'intérêt du lecteur, bien au contraire car l'humour qui y est servi est de ceux que Bohumil Hrabal (un tchèque, un connaisseur donc) n'aurait pas renié.
Robert HASZ (né en 1964)
Parmi la nouvelle génération d'auteurs hongrois, on trouve...un yougoslave. Plus justement on se souviendra qu'en ex-Yougoslavie existait au nord une Province, la Voïvodine, peuplée majoritairement de Hongrois dont Robert Hasz, qui a maintenant émigré à Budapest, est un des écrivains éminents. Né en 1964, il est l'auteur de deux romans traduits en français, Le jardin de Diogène, histoire onirique et fiévreuse de marginaux, et La forteresse que nous avions vivement recommandé à sa sortie :il s'agit d'une fable, sur le mode buzzatien, qui met en scène un jeune militaire muté juste avant la quille dans une garnison mystérieuse aux confins du pays, endroit étrange où les soldats sont un peu livrés à eux-mêmes et où chacun est victime d'une hypermnésie qui lui fait revivre des scènes fortes de son passé. Métaphore mystérieuse d'un monde en perdition, ce roman signe l'arrivée d'un auteur d'importance dans la galaxie magyar.