Chargement...
Chargement...

Le siècle d'Annemarie Schwarzenbach

Publié le 11/06/2008
Nous avons célébré à notre façon le centième anniversaire de la naissance d'Annemarie Schwazenbach le 23 mai (voir notre blog de ce jour), écrivain culte d'une certaine littérature de voyage. Petit retour sur cette mystérieuse icône de l'écrit vagabond.
Annemarie Schwarzenbach aurait eu cent ans cette année mais cent paraît un chiffre fou pour une créature aussi décidée à brûler sa vie sans relâche. Un siècle donc et le portrait d'une femme à l'éternelle jeunesse, cet air de garçonne rebelle que nous avons affiché dans notre vitrine et qui attire irrésistiblement les regards.

Annemarie Schwarzenbach est originaire de Zurich en Suisse. Fille de bonne famille qui compte quelques portraits de généraux sur les murs de la demeure, elle a droit à ce que l'on peut imaginer une enfance choyée, vision sans doute simpliste qui fait l'économie de la faille qui se fait jour en elle. Etudiante, elle s'intéresse à l'Histoire et commence à voyager : on la retrouve ainsi à Paris où elle se débarrasse du confinement de sa propre petite cité suisse et peut vivre son homosexualité complètement assumée dans cette capitale cosmopolite. Elle y devient docteur es lettres, ce qui ne l'empêche pas de donner à la presse ses premiers articles. La rencontre qui marquera sa vie est celle des "terribles" enfants de la haute figure intellectuelle de l'entre-deux-guerres Thomas Mann, Klaus et Erika. A leur suite et à leur côté elle s'engage dans le combat anti-fasciste, très tôt convaincue que se joue un drame planétaire dont personne ne veut mesurer les conséquences.

Surnommée à juste titre l'Ange inconsolable, elle n'a de cesse, tourmentée par la montée en puissance du nazisme, de s'élever contre toute forme d'oppression. Mais comme Klaus Mann, elle découvre les ivresses et les tortures de la dépendance morphinomane qui, si elle ne l'empêche pas d'écrire, la plonge dans de longues périodes d'abattement et d'internement (qu'on appellerait aussi des passages en clinique...).

La passion de sa vie, sa façon de fuir ses démons, va être le voyage lointain et aventureux. C'est munie d'une carte de journaliste qu'elle accomplit en 1933 son premier périple. D'abord l'Espagne, puis la Perse. Dans le souci d'échapper à l'emprise familiale, toujours très forte, elle se résoud à épouser un diplomate français, Claude Clarac. Elle ne cessera plus, dès lors, de faire des aller-retour entre la Suisse et ses diverses destinations, ponctuées de séjour en cure de désintoxication. C'est pendant ces périodes d'arrêt qu'elle compose ses livres, dont le plus connu et le plus lu, sans doute son chef-d'oeuvre, La Vallée heureuse. Une autre de ses grandes rencontres sera celle d'Ella Maillart désormais vénérée par les amateurs de la littérature de voyage dont elle fut l'une des plus imposantes figures. Toutes deux gagnent l'Afghanistan au début de la guerre, une expérience qui les marquera. Elles en ramèneront le fameux livre La voie cruelle, récit de leur périple au volant d'une Ford à la rencontre de paysages sublimes et de lieux pas toujours accueillants, notamment pour des femmes seules.

La fin de la vie de ce météorite est plutôt chaotique, faite de dépressions, de tentatives de suicide avortées. Ironie du sort, c'est dans son pays, où elle était revenue après un séjour en Afrique qu'elle trouve la mort à la suite d'un accident de bicyclette. Nous sommes en 1942. Il faudra des décennies et le dévouement sans faille de passionnés pour que cet écrivain plein de mystères regagne un public qui lui est désormais fidèle. Cet intérêt renouvelé nous vaut très régulièrement une actualité éditoriale, grâce notamment à l'extraordinaire travail de Dominique-Laure Miermont à qui l'on doit la biographie de référence parue en 2004 chez Payot : Annemarie Schwazenbach ou le mal d'Europe.

Pour lui rendre hommage, viennent de paraître deux recueils inédits : Les Lettres à Claude Bourdet chez Zoé où on découvre la belle amitié qui la liait au fils d'Edouard Bourdet et Catherine Pozzi, et Les quarante colonnes du souvenir aux éditions Esperluette, récit de son voyage en Afghanistan avec Ella Maillart. Cette icône pour les amoureux de Liberté et d'aventures a encore beaucoup à nous faire découvrir d'elle, cette "centenaire" écorchée qui a souffert pour réaliser ses rêves et les transformer en littérature. 

Bibliographie