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Les derniers témoins

Publié le 10/03/2009
Serions-nous en train de vivre une nouvelle étape dans L'histoire du témoignage des victimes de la Shoah et du système concentrationnaire nazi ? En France, depuis quelques mois, pas moins de dix ouvrages ont pris place sur les tables des librairies...
La Shoah a joué un rôle capital dans la constitution de l'évènement génocidaire et du témoignage comme "genre" majeur et légitime d'écriture de l'histoire  C'est lors du procès d'Adolph Eichman en 1962 que débute la lente émergence du genre.  En effet, l'audition en tant que témoins de 110 rescapés va avoir un impact capital dans la mémoire collective - bien d'avantage que le chiffre asséné, massif et froid de 6 millions de morts. L'importance du récit individuel, le détail de la vie dans les camps dans une déshumanisation extrême va marquer l'auditoire. C'est abominable, ces scènes dépassant l'entendement, les récits sont d'une telle violence que l'on suspend à plusieurs reprises les séances.

Depuis, on a assisté dans un premier temps à l'édition de  romans, de poésie, d'essais.  Les  récits  foisonnent mais ne trouvent pas toujours leurs lecteurs ; c'est le cas du journal de Jacqueline Mesnil-Amar dans sa première édition chez Minuit en 57. Aussi, nombreux sont -ils ceux qui ont préféré se taire. Ne pas en parler, "oublier" pour continuer à vivre. Aujourd'hui la troisième génération arrive à l'âge adulte. Les langues se délient, les enfants questionnent avec insistance et les derniers rescapés témoignent. Les dernières transmissions générationnelles se poursuivent.

L'auteur de chacun de ces  récits autobiographiques, grâce à son écriture, devient sujet dans cette destruction de masse. On tait son nom, sa religion, son individualité. Un silence de glace est présent dans tous ces textes. Grâce à l'écriture, l'auteur rappelle aussi ce qu'il a perdu, l'innocence d'une jeunesse, l'espoir de retrouver ceux que l'on nous a enlevé, la dignité d'une vie humaine.

Il est important de souligner que chaque manuscrit a été dans un premier temps confié à des proches, un amoureux, une nièce, un neveu. Restés dans des tiroirs, des armoires, on les exhume enfin (la nièce d'Hélène Berr fait don de son journal au Mémorial de la Shoah). On retrouve des textes roulés dans des bouteilles, dans des boîtes en carton, enfouis dans la terre (le cas des Sonderkommandos). Conscients de la dimension historique de ce qu'ils sont entrain de vivre, ils veulent laisser une trace. La transmission se fait par des écrivains confirmés (Pierre Assouline , Patrick Modiano, Boris Cyrunlik) , condensant ainsi  l'importance des textes et la  pudeur des familles.

Bref, ces nouvelles lectures  viennent enrichir une bibliographie où chaque texte a son importance dans l'enseignement de la Shoah et, de manière plus large, dans celle des génocides.

Journal de Ruth Maier, Ruth Maier
Ruth a 13 ans en 1933, élève brillante elle ne cessera d'écrire jusqu'en 1942 ou elle sera déportée .
Elle laissera des textes d'une grande qualité littéraire à la poétesse Gunvor Hofmo qui ne reprendra jamais goût à la vie après sa disparition. Après un énorme travail, l'édition que nous présente Jan Erik Vold est un chef d'oeuvre.

Journal, Hélène Berr
Un très beau témoignage d'Hélène Berr (photo), une jeune femme de 20 ans, brillante , légère, joyeuse . Préoccupée par ses amours , ses projets universitaires  elle deviendra très rapidement  inquiète et tout à fait lucide de la gravité de l'histoire de son pays. Elle fera don  de son journal d'une grande qualité littéraire,  à son amoureux Jean Morawiecki .Sa nièce, Mariette Job fait don de son journal au Mémorial de la Shoah.

Le journal, Rutka
Dans le ghetto de Bezdin, Rutka  14 ans écrit son journal et juste avant d'être déportée elle glissera son journal sous le parquet le confiant ainsi à son amie  Stanislawa qui gardera le secret pendant 60 ans . Récit court dans un style bref faisant écho à l'urgence de sa vie  d'adolescente.
 
Je suis le dernier juif - Treblinka 1942-1943, Chil Rajchman
Ce court récit est le témoignage insoutenable d'un homme qui a lutté pour survivre, perdant toute humanité. Revenu de l'enfer de Tréblinka, il a voulu témoigner de l 'innommable, dans un style vrai, sans fioriture, afin que l'Histoire se souvienne. Nous nous retrouvons alors dans la réalité effrayante d'un monde qui dévorait ses enfants et participait à la littérature du désastre.

Lettres et carnets, Hans et Sophie Scholl
Ce volume contient les dernières correspondances de Hans et Sophie Scholl,  enfants de la "bonne Allemagne", devenus des icônes de la résistance au nazisme. Ces deux étudiants hors du commun ont su réveiller les consciences de leurs condisciples, appelant à la désertion des amphithéâtres et à l'insurrection. Cette action les mènera à la guillotine et sonnera la fin de leur petit groupe de résistants : la Rose Blanche. Du haut de leur jeunesse inquiète, ils ont voulu rester fidèles à leur maxime, tirée d'un poème de Goëthe : "Contre vents et marées, savoir se maintenir.

Ceux qui ne dormaient pas - Journal 1944-1946, Jacqueline Mesnil-Amar
On ressent beaucoup d'émotion à la lecture de ce journal de "l'absence". Ce livre est la chronique quotidienne de la séparation soudaine d'un couple dans la guerre. Dans le souvenir et la perte des jours heureux, une femme attend, lutte et s'épuise à rechercher son mari résistant juif. On est frappé par la grandeur d'âme de J.  Mesnil-Amar, l'amour du bon et du beau, ses idéaux et sa volonté inaltérable. Récit simple aux qualités littéraires mais aussi philosophiques.

Il n' y pas d'enfants ici, Thomas Geve
Receuil de  80 dessins d'un enfant de 13 ans représentant la vie quotidienne et de l'organisation dans les camps. Etonnante représentation de vue aérienne de cet endroit où chacun, stratégiquement   continue à vivre. Préface de Boris Cyrunlik.

Personne ne m'aurait cru, alors je me suis tu, San Braun
Sous forme d'entretien avec Stéphane Guinoiseau, San Braun sort du silence et témoigne sa vie dans le camp de Buna-Monowitz
 
Au coeur de l'enfer, Zalmen Gradowski
Réédition du texte d'un déporté membre d'un sonderkommando (groupe de prisonniers forcés d'assister les nazis dans l'extermination des déportés). Poignant, terrifiant, laissant sans voix.