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Les grandes psychothérapies : l'hypnose ericksonienne

Publié le 29/07/2004
Loin d'être le "dormez, je le veux" que l'on entend de manière caricaturale, l'hypnose thérapeutique n'a guère l'ambition de manipuler son patient, de le faire "avouer" pour son bien...

"Et je veux que tu choisisses, dans ton passé, un moment où tu étais une petite, une très petite fille. Et ma voix t'accompagnera. Et ma voix deviendra celle de tes parents, celle de tes voisins, celle de tes amis, celle de tes camarades d'école, celle de tes copines de jeu, celle de tes maîtresses. Et je veux que tu te retrouves assise dans la salle de classe, toi, petite fille que quelque chose a rendu heureuse, quelque chose qui est arrivé il y a longtemps, que tu as oublié depuis longtemps."

L'état hypnotique est un état modifié de la conscience situé entre la veille et le sommeil ; c'est être en quelque sorte "dans la lune". Pour le psychiatre américain Milton H. Erickson, véritable père de l'hypnose thérapeutique moderne, ce n'est pas même un état mais un type spécial d'échange mutuel entre deux individus ; il peut ainsi s'apparenter à une forme de conversation. Si il n'existe pas une une seule forme de thérapie par l'hypnose, celle mise en place par Milton Erickson reste la plus célèbre.

Né en 1901 dans une famille paysanne d'Aurun (Nevada), Milton Erickson va durant toute sa jeunesse être confronté à de nombreuses épreuves dont on peut penser qu'elles ont formé, sinon sa force de caractère du moins un sens aigu de l'empathie et un immense respect pour l'individu dans toute sa singularité. Atteint de daltonisme, sourd aux sonorités musicales, dyslexique, il contractera à l'âge de 17 ans la poliomyélite qui le laissera entièrement paralysé. Il recouvrira sa motricité en observant sa petite soeur faisant alors ses premiers pas, et selon sa femme Elisabeth à force d'une méthode de concentration mentale qui s'exerçait sur un mouvement minimal qu'il recommençait sans cesse (une première forme d'autohypnose). Erickson déclarera par la suite que la poliomyélite avait sans doute été le meilleur professeur qu'il ait jamais eu en ce qui concerne le comportement humain.

Poursuivant des études de médecine et de psychiatrie, il rencontre Clarck Hull qui conduisait à l'époque des séminaires sur l'hypnose. Cette découverte le poussera à entreprendre ses propres recherches. Mettant en avant déjà le respect de la particularité de chaque individu, il s'opposera à Hull qui tend à édicter un protocole d'hypnose identique à chaque patient. Cette controverse empêchera Erickson de publier ses premiers résultats.

Entre 1934 et 1948 il travaille au Wayne County Hospital à Eloise dans le Michigan où il peut se partager entre la clinique, l'enseignement de la psychiatrie et la recherche. Mais en 1948 il part pour Phénix, le climat de l'Arizona convenant mieux à sa santé, ouvre un cabinet de consultation de thérapie par l'hypnose. Il ne cessera alors de donner des conférences et séminaires à travers le monde. Membre honoraire d'un grand nombre de sociétés d'hypnose médicale d'Europe, d'Amérique latine et d'Asie, il est en outre fondateur et président de la Société américaine d'hypnose clinique et directeur du bulletin de cette société.

Dans les années 40, sa rencontre avec Gregory Bateson, zoologiste et anthropologue, son épouse Margareth Mead, mais aussi avec les psychothérapeutes Jay Haley ou encore Paul Watzlawick influencera les thèses de la future école de Palo Alto fondée en 1959.

En 1953 une nouvelle évolution de la poliomyélite l'amène à utiliser l'hypnose pour contrôler la douleur et récupérer des capacités physique et mentale. L'hypnose d'Erickson jouera d'ailleurs toujours un rôle important dans la gestion de la douleur. Il meurt en 1980.

Erickson personnalise sa thérapie par l'hypnose, à tel point qu'il ne tire aucune théorie ni protocole, le thérapeute devant avant tout s'adapter, guider le patient qui participe activement à son état hypnotique et garder ainsi son espace de liberté. Le thérapeute définit ainsi une manière de procéder spécifique, prend la responsabilité d'influencer directement les gens. L'approche stratégique comme la nomme Jay Haley consistait ainsi en des modes d'intervention particuliers à la personne comme l'intention paradoxale, le recadrage (changement du point de vue sur une situation vécue pour un autre cadre où elle prendra une autre signification plus positive) ou encore la prescription de tâches à accomplir hors de la séance thérapeutique.

Il ne reste essentiellement que des descriptions, des récits de ses séances thérapeutiques. "Les écrits d'Erickson montrent mais ne démontrent pas" comme le souligne Mony Elkaim. Ce dernier insiste aussi sur son art de la métaphore : petites histoires, contes, récits, images qui permettent selon Erickson une projection de l'inconscient ; le patient peut ainsi se reconnaître dans une situation et en choisir les différentes solutions, l'hypnose privilégiant le changement positif à l'enquête sur le pourquoi du traumatisme. Erickson travaille sur l'inconscient qu'il considère comme "une force vitale positive alliée de l'individu et dépositaire des ressources et des expériences que celles-ci a accumulées toute sa vie, et sur les niveaux comportemental et relationnel du patient " (Jay Cayrol).

Erickson inspirera un nombre croissant de thérapeutes tels que Jeffrey Zeig qui reprit le flambeau de l'enseignement ericksonien, le psychanalyste jungien Ernest Rossi, Richard Bandler ou John Grindern fondateur de la Programmation Neuro-Linguistique ou encore en France le psychiatre et psychothérapeute familial Jacques-Antoine Malarewicz ou encore le psychanalyste François Roustang.

Isabelle Soulié