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RAMON GOMEZ DE LA SERNA (1988-1963)

Une actualité de David Pigeret
Publié le 01/10/2020
Ramon Gomez de la Serna est largement méconnu en France bien que célébré de son vivant par un Valery Larbaud qui en faisait l'égal de Proust ou de Joyce et malgré le travail d'éditeurs comme Gérard Lebovici et André Dimanche éditeur ou celui de grands passeurs tel que Jean Cassou, Robert Amutio, Jacques Ancet ou Florence Delay. On l'a comparé, pour la joie, l'humour et la fantaisie débridée qui traverse son oeuvre, à Max Jacob ou à un Jean Giraudoux mais son ambition est tout autre. Son oeuvre monstrueuse, à l'instar de celle d'un Fernando Pessoa, peut se lire comme un tentative d'épuisement du réel, des virtualités de la réalité, comme le désir de renverser, de brouiller l'ordre du monde pour l'enchanter et in fine de suspendre le cours du temps.
L'oeuvre de Ramon Gomez de la serna est tentaculaire (on lui attribue plus d'une centaine d'ouvrages), baroque, à l'image du foisonnant Lope de Vega. Elle couvre tous les champs de la littérature : le roman (La Veuve noire et blanche, Polycéphale et Madame, Gustave l'incongru, Ciné-ville....) les nouvelles, le théâtre (Les Moitiés), l'essai, l'autobiographie (Le livre muet, Lettres à moi-même, Automoribundia), la critique, la littérature artistique (Goya, Dali), la biographie...). On lui doit des livres inclassables comme Seins (un inventaire poétique de cet attribut féminin), Le Rastro (un voyage à travers les objets du célèbre marché aux puces de Madrid)... Il est aussi l'inventeur d'un nouveau genre : la gregueria, une espèce d'aphorisme, de "haiku" qu'il définit comme HUMOUR + métaphore. Elle est comme le cri produit par le rapprochement incongru de deux réalités éloignées équivalent à la rencontre d'un parapluie et d'une machine à coudre sur une table de dissection.
Ramon Gomez de la Serna a été le chantre de toutes les avant-gardes, tous les "ismes" du XXème siècle, en les devançant souvent mais sans jamais les épouser totalement puisque il a crée à lui et pour lui tout seul le Ramonisme (creuset et nébuleuse en expansion de toutes les modernités).
L'oeuvre de Ramon Gomez de la Serna est une célébration du vivant, d'un grand continuum qui échappe à la perception individuelle, le fruit des tours de magie d'un prestidigitateur des mots, d'un amoureux du Cirque, d'un performeur (on lui doit des conférences faites sur un trapèze ou sur le dos d'un éléphant !), d'un artiste qui cherche à embraser le réel par l'imaginaire et par l'acte d'écrire. Rien ne définit mieux l'ambition et la secrète mélancolie de son oeuvre que la phrase sur laquelle s'achève Le Romancier , comme une profession de foi :
"Il faut dire toutes les phrases, il faut rêver tous les rêves, il faut noter toutes les réalités, il faut parcourir aussi souvent que possible la carte du monde vain, ce monde qui doit s'éteindre d'un seul coup".


Bibliographie :