Un coup de coeur de Jean-Baptiste G.
Fils d'un émir syrien converti au christianisme et d'une noble byzantine, Digénis est présenté comme un colosse d'une force et d'une adresse au combat inégalées. Lors d'accès de fureur qui auraient eu de quoi faire pâlir même le féroce Achille et le puissant Héraclès il balaie les armées, soumet les puissants et renverse les montagnes. Mais derrière ce lyrisme épique, l'Akrite est dans une certaine mesure un poème de l'errance. C'est aux confins de l'empire, à travers les vastes étendues d'Anatolie et les canyons de Cappadoce sculptés par les âge que nous suivons les pérégrinations de ce géant. Dans ces décors féeriques faits de rocs et de poussière, inondés du soleil d'Orient, Digénis pourfend bêtes et dragons, combat d'indomptables amazones et soumet d'impitoyables brigands au nom de l'empire avant de connaître une mort jeune, le prix toute existence héroïque.
Cette figure du géant mythique, patrouillant aux portes des royaumes, ce retrouve également dans le monde latin comme l'atteste la figure du Roland carolingien qui laissa notamment sa marque dans de nombreux sites des Pyrénées. Les exploits de ces colosses trouvent ainsi leurs échos dans les reliefs du paysage et les accidents naturels: ici une gigantesque empreinte de pas, là-bas une brèche causée par un coup d'épée phénoménal. L'Akrite est donc la preuve que les mythes ne moururent pas avec le monde antique mais survécurent, évoluèrent et se diffusèrent dans toute l'Europe et le monde musulman grâce aux récits à et la culture populaires.
Les éditions Anacharsis nous proposent de marcher dans les pas de Digénis à la découverte de ce monument de la culture et du folklore grec. L'épopée de l'Akrite mérite de sortir de l'oubli tant pour sa richesse littéraire que pour les fenêtres qu'elle ouvre sur l'histoire et la culture byzantine.