Fort heureusement, la guerre civile n'est plus d'actualité
dans notre démocratie libérale, qui a su accroître et consolider les droits
politiques et sociaux de tous les citoyens à la suite de longs et multiples
combats menés depuis 1789. La Commune de 1871 en est un des plus
sanglants.
L'étude de cet événement a souvent déclenché des querelles
passionnelles sur les débats idéologiques qui ont lourdement grevé son
historiographie.
Dans les années 1970, la commémoration de son centenaire a permis la réédition de textes épuisés et la parution de nouveaux essais. Michel Winock, Noël Bernard ou Henri Guillemin ont contribué à une nouvelle réflexion sur le sujet. Après une période de somnolence, la Commune n'est plus seulement l'objet d'un culte elle est désormais aussi l'objet d'études.
Actuellement, le texte le plus complet sur cet événement est
celui de Wiliam Sorman chez Fayard. Il y explique
sans fard ni parti pris la tragédie qui ensanglanta la capitale en 1871. Edité
en 1986, il prend en compte les apports les plus récents des recherches
historiques, entre autre le travail de Jean Maitron
sur la biographie des militants ouvriers, de Madeleine
Reberioux sur la place de la Commune dans la mémoire collective ou de
Jacques Rougerie sur la mentalité et l'idéologie de
la population insurgée.
Un des derniers chapitres est consacré à l'analyse de
la perception du mouvement révolutionnaire par les chercheurs pro-communards
comme par les réactionnaires. Vous pourrez aussi suivre le déroulement des
événements grâce à une chronologie des faits au jour le jour et à une carte du
théâtre des opérations.
Pour une approche plus synthétique, vous pouvez lire le
Que Sais-Je ?
écrit par Georges Bourgin. Cet auteur invite
chercheurs et lecteurs à situer la Commune dans son cadre géographique et
historique spécifique (Paris 1870-1871) et plus largement dans l'histoire
entrelacée de la capitale et du mouvement ouvrier tant national
qu'international. Il développe l'idée comme quoi la commune a été de bout en
bout "une improvisation".
Tout en restant dans les petits formats, vous
redécouvrirez dans la collection Découverte Poche, un texte de référence, celui
de Prosper-Olivier Lissagaray. Ardent journaliste et
communard, l'homme donne un témoignage de premier plan sur la manière dont un
acteur de l'événement concevait le rôle historique de la commune. Vous
serez frappés par la vigueur du ton de Lissagaray et la virulence de ses
invectives adressées aux ennemis de la révolution parisienne.
Participant
lui aussi à l'insurrection, Jean Allemane apporte un
témoignage essentiel à la compréhension de la mentalité ouvrière
dans ses souvenirs d'un communard.
Mais la Commune, c'est aussi une histoire
de femmes. Les éditions de La Découverte viennent de republier, dans une
collection Re-Découvertes, les mémoires de deux femmes exceptionnelles.
La
première Victorine B. était une "pétroleuse". Devenue
ambulancière, c'était une de ces femmes du peuple qui accompagnaient et
soutenaient l'insurrection jusque sur les barricades. Ses textes (souvenirs d'une Morte Vivante) expriment le point de
vue du peuple par une femme du peuple : sa vie quotidienne, ses souffrances, ses
colères, ses espoirs. Ce récit engagé éclaire sur les aspirations des plus
obscurs et des plus anonymes.
La seconde, Louise
Michel, est une figure emblématique de la période. Surnommée "La
Vierge Rouge", ses mémoires restituent l'engagement d'une femme
passionnée au côté du peuple et de ses luttes. De nature rêveuse et
méditative, cette militante anarchiste des plus curieuses de notre
temps,
vous propose aussi de lire son oeuvre poétique d'environ deux cents
poèmes parue dans l'ouvrage A travers la Vie et la
Mort. L'écriture accompagnera Louise Michel jusque dans son
exil en Nouvelle-Calédonie où son chemin va croiser de nombreux communards
déportés.
Au nombre environ de dix mille, les exilés ont dû d'abord
survivre au voyage en bateau puis s'adapter à une terre étrangère et à un climat
hostile. Certains ont ressenti la nécessité d'écrire et de laisser un
témoignage. François Cron fait partie de ceux là. Il
n'était ni stratège, ni politicien, ni journaliste : seulement employé
comptable. Dénoncé trois ans après l'insurrection, il rejoint l'Ile des Pins. Il
se sent alors dépositaire d'une mission et se jette dans le récit de son
histoire traversée de rêves, de trouble et d'angoisses. Son fils ne connaîtra
jamais ses écrits .Comme lui, beaucoup de familles n'étaient pas averties
des disparitions, des grâces ou des retours. De nombreuses correspondances
unilatérales se sont poursuivies des années durant sans que les intéressés
en aient eu connaissance.
Virginie Buisson dans
Lettres Retenues a tenté de collecter
certaines de ces lettres censurées. Dans sa recherche, elle a suivi la
chronologie des faits, de l'incarcération à Versailles, puis à bord des navires
et dans l'exil, et dans la longue attente de l'amnistie. Elle rend là un
très bel hommage à toute cette correspondance restée sans suite.
Des « communeux » aux communards, des acteurs oubliés à ceux
inscrits pour toujours dans l'histoire, le chantier de la Commune vous est
toujours ouvert. Tout livre représente un parcours accompli mais le meilleur
moyen de se plonger dans ce sujet est sûrement le dictionnaire de Bernard Noël. Introduction comme conclusion, il vous permet
d'établir des rapports entre toutes les parties de l'histoire, des acteurs et
des événements. Tout en allant de A à Z, vous serez libres de remonter le temps
ou de le disperser, le dictionnaire n'allant nulle part. Les hommes, les faits,
les sentiments, les idées sont les principaux matériaux de l'ouvrage. C'est un
texte sans hiérarchie, sans chronologie qui permet d'en terminer simplement avec
les réquisitoires haineux ou les éloges funèbres que la Commune peut provoquer.
Blandine Daurios
Illustration : Jacques Tardi,
Le cri du peuple, Casterman