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Le Japon : musée vivant de sa propre histoire spirituelle

Une actualité de Camille V.L.
Publié le 23/08/2023
Comment la religion s'inscrit-elle dans la vie des japonais ? Plongez dans la vie spirituelle d'un peuple dont le rapport à la pensée et au fait religieux est radicalement différent de celui des sociétés occidentales.
Prier régulièrement dans un sanctuaire shinto, se marier dans une église et organiser ses funérailles dans un temple bouddhiste : au cours de sa vie, un japonais se prêtera sans mal aux rituels de religions différentes. Comment est-il possible de mélanger des éléments aussi hétérogènes, parfois contradictoires, au sein d'une vie spirituelle pourtant harmonieuse ? Cette possibilité résume presque, à elle seule, la spécificité de la pensée japonaise au sujet de la spiritualité et de la religion : un syncrétisme séculaire qui a permis, tout au long de l'histoire du pays, l'intégration de nombreux systèmes de pensée et influences étrangers.

Il faut ouvrir le Kojiki (ou Chronique des faits anciens), oeuvre considérée comme sacrée par le shintoïsme, pour remonter aux sources littéraires du Japon : sa genèse, la formation de ses îles, les liens entre ses divinités, autant de récits fondateurs de pratiques et de croyances encore bien ancrées dans cette religion telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui. Bien plus qu'un recueil de légendes ou de mythes, le Kojiki est un récit se voulant factuel sur les origines du pays, mais également un ouvrage à motivation politique puisqu'il asseoit la suprématie et la légitimité de la lignée impériale. Pourtant, bien qu'il soit considéré comme le plus ancien écrit japonais connu à ce jour (suivi de près par le Nihon Shoki, ou Chroniques du Japon), les philologues y ont trouvé des éléments attestant d'une influence chinoise ; en réalité, aucun écrit japonais n'attestant d'aucune influence extérieure n'a encore été découvert...

Ainsi, qu'il s'agisse, très tôt, du bouddhisme, un peu plus tard du confucianisme, du taoïsme et du christianisme, puis plus récemment et marginalement de religions telles que le judaïsme ou l'islam, le Japon a toujours assimilé des éléments étrangers. Mais comment les japonais, au quotidien, n'en perdent-ils pas leur latin ? C'est que la pensée japonaise, intégrant ces élements par strates sur plusieurs siècles, a toujours gardé conscience de l'hétérogénéité de sa propre identité ; chaque élément, tout en gardant son dynamisme propre, influence et se voit influencé par les autres, ce sans jamais se confondre dans la conscience collective. Aussi la spiritualité japonaise est aujourd'hui majoritairement faite d'un syncrétisme des deux courants les plus anciens que sont le shintoïsme et le bouddhisme (appelé le "syncrétisme shinto-bouddhiste"), auquel s'adjoignent, selon les pratiques, des éléments d'autres croyances. 

Il faut ajouter à cela que ce syncrétisme, tirant parti d'une certaine forme de conservatisme, de fidélité à un maître, à une école, à une tradition, n'a fait que s'enrichir de nouveaux courants de pensée sans jamais renier les précédents. Du fait de son désintérêt pour les principes et la spéculation métaphysiques, le Japon a su, malgré ses nombreux emprunts extérieurs, s'approprier des influences aux points de vue très différents tout en préservant son harmonie interne. C'est ce qui fit dire à Robert Heinemann que le Japon actuel est "le musée vivant de sa propre histoire".

Du reste, la culture japonaise lie de façon inextricable philosophie et religion, de même que les arts fondés sur le concept de la "voie". Impossible de ne pas mentionner ici, notamment, le bushido dont les principes moraux non seulement irriguent abondamment la culture japonaise mais ont aussi rayonné jusqu'à l'occident, popularisés par Inazô Nitobe. Et il n'est pas rare de voir la discipline des arts martiaux associée aux principes du bouddhisme zen.

On entendra parfois que les japonais ont un rapport neutre, voire utilitaire à la religion ; c'est peut-être la lecture que le visiteur curieux sera tenté d'en avoir en les voyant s'adresser à l'un ou l'autre kami, en se prêtant à tel ou tel rituel en fonction des besoins, des difficultés et des épreuves de la vie. Ils ne manquent cependant jamais de montrer le respect dû aux divinités dont ils visitent le sanctuaire (devant la porte duquel il est impensable de ne pas s'incliner avant d'entrer et après être sorti...), et la prière qu'ils adressent vise moins à leur demander une faveur qu'à les remercier pour leur bienveillance.

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