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PIERRE MOLINIER (1900-1976)

Une actualité de David Pigeret
Publié le 03/11/2018
Pierre Molinier est un artiste bordelais (peintre, photographe, écrivain) inclassable, toujours aussi sulfureux même quarante ans après son suicide, le 3 mars 1976. Le recul de l'Histoire permet cependant aujourd'hui de le considérer comme un pionnier de l'art corporel et un précurseur du mouvement queer.

Né le 13 avril 1900, un vendredi saint, Pierre Molinier est connu pour sa peinture et ses photographies érotiques. Il fut un personnage singulier, provocateur, masochiste, érotomane, fétichiste, incestueux, voir nécrophile.
Dès l'adolescence il aime se travestir en femme et s'affubler des signes de la féminité (bas de soie noirs et talon-aiguille) dans les bals qu'il fréquente. Il déclara aussi : « j'aurais voulu aimé être une femme, mais lesbienne ». On peut dire que d'une certaine manière que Pierre Molinier, dans son œuvre, à matérialiser ses fantasmes, à sublimer ses pratiques sexuelles.Il est probablement l'un des artistes les plus authentique du XX ème siècle. Il déclara : « Mes tableaux ne sont qu'un essai de projection, essai de matérialisation de ce qui en moi, de mes sensations, de tout ce qui voudrait s'exprimer par moi... ». On ne saurait séparer sa vie de son œuvre, l'une nourrissant l'autre, même au sens littéral : il a souvent raconté qu'il utilisait régulièrement son sperme comme glacis entre deux couches de couleur. On peut donc dire que ses tableaux étaient vraiment érotiques.
Il passe un grande partie de sa vie à Bordeaux dans son appartement atelier du 7, rue des faussets, dans le Quartier Saint-Pierre à cultiver et faire épanouir ses obsessions. Interdit d'exposer au Salon des Indépendant de Bordeaux, suite au scandale provoqué par sa toile érotique Le Grand Combat. Il écrit à André Breton et il lui envoie des reproductions de ses tableaux. André Breton lui répond avec enthousiaste qu'il est « aujourd'hui le maître du vertige, d'un de ces vertiges que Rimbaud s'était donné à tache de fixer, et peut-être du pire. Les photographies jointes à votre envoi ne laissent, d'ailleurs, aucun doute sur votre aspiration en ce sens et il me paraît difficile de porter le trouble plus loin. Elles sont aussi belles que « scandaleuses », à l'unisson de tout ce que vous m'avez déjà fait entrevoir de votre œuvre. »
A partir des années 1960, son travail photographique prend le dessus sur sa peinture. Il se prend lui-même en photo, travesti, nu, dans des poses lascives, jambes gainées de soie noir, talon-aiguilles, maquillé, visage orné de voilette, avec des accessoires (cravache, godemichet, sabre...). Il prend aussi des photographies de sa poupée et de ses modèles, amis(es) préparés, apprêtés de la même manière. Il procède en suite à un travail extrêmement méticuleux : après un premier tirage papier, il effectue des retouches à la mine de plomb sur négatif puis il fait un nouveau tirage, découpe des parties de la photographie (jambes, têtes), les assemble, il photographie les photomontages obtenus, retravaille de nouveau sur le négatif pour enfin réaliser un tirage définitif. Il se crée un corps idéal, rêvé, à la manière du travail d'un Hans Bellmer, un corps hermaphrodite, d'un troisième genre, neutre, à la mesure de ses fantasmes. Ce travail obsessionnel devait trouver une forme parfaite dans un livre, Le Chaman et ses créatures qui ne sera malheureusement pas publié de son vivant. A la fin de sa vie, il rencontre de nombreux artistes, fascinés par ce personnage mythique, notamment Luciano Castelli qu'il prendra en photo, lui-même se photographiant dans le style et les postures de Molinier.
Pierre Molinier fut lui-même jusqu'au vertige. Il se suicide d'une balle dans la bouche ne pouvant plus jouir, atteint d'un cancer de la prostate. Il avait décider de léguer son corps à la Faculté de Médecine. Son vrai corps était dans ses œuvres pour l'éternité.


 

Bibliographie :

autour de Molinier