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Doit-on réellement au Pass culture l'engouement phénoménal du manga ?

Publié le 21/09/2021
Depuis quelques mois, le Pass Culture permet aux jeunes de 18 ans de profiter d’une somme dédiée à la culture sous toutes ses formes. En librairie s’est observé un pic d’activité de ventes de mangas, mais il serait faux et réducteur de penser que l’engouement pour le manga ne tient qu’à ce pass. En deux mots comme en cent : le manga commence à redorer son blason auprès d’un public jeune et autonome, qui n’attendait qu’une bonne occasion pour le porter au sommet.

Avant toute chose, il est important de distinguer les différentes catégories du manga : comme pour sa comparse européenne, la bande dessinée, toutes les séries ne sont pas toutes adaptées à un seul public d’un même âge. Il existe notamment les « shonen », les « shojo » et les « seinen » qui permettent de catégoriser par âge et par type les différents mangas. Cependant cette catégorisation est propre aux codes sociétaux japonais et n’est peut-être pas vouée à enfermer les lecteurs dans une classification précise : il s’agit plutôt de grandes lignes directrices et génériques aux frontières floues et souples.

Ainsi, le shonen, catégorie parmi les plus prisées, cible un public allant de 10 à 14 ans, ayant souvent pour thème l’aventure et le développement de soi. Les scènes d'action y sont nombreuses, le rythme est très cadencé et soutenu grâce aux chapitres et il s’agit le plus souvent de longues séries. Le personnage principal est généralement un jeune garçon un peu maladroit, voire mauvais dans un domaine qu’il rêve de maîtriser ; ou alors il est animé par une quête peu commune dans laquelle il va s’investir corps et âme. Il a souvent des compagnons sur sa route qui l’aideront à atteindre ses objectifs. On peut notamment citer « One Piece », « My Hero Academia » ou encore « Jujutsu Kaisen » et « Demon Slayer ». 

Le shojo vise un public de la même tranche d’âge que le shonen, mais les thématiques y sont radicalement différentes : histoires d’amour, tranches de vie et romances sont ses thèmes de prédilection. Souvent marqueté « pour les filles » le shojo offre des séries humoristiques, matures et commence même à viser un plus vaste public. On y trouve « Nana », « Bloom into you » ou encore « Orange ». 

Enfin le seinen s’adresse à un public adolescent et adulte. Il peut s’agir de séries reprenant les codes du shonen, avec un héros presque mythique lancé dans une quête, mais dont les arcs narratifs sont plus sombres (comme « Berserk » ou « L’Attaque des Titans ») ou bien les codes du shojo avec l’aspect tranche de vie, dont les thèmes deviennent alorsplus matures (avec « le mari de mon frère ») ou plus violents (« Bonne nuit Pun-Pun »). Il peut s’agir de longs mangas contemplatifs (« Quartier Lointain ») ou encore de scènes du quotidien (« La cantine de minuit »), voire même du manga d’horreur.

On peut relever aussi l’engouement autours des « yaoi » et des « yuri », romances homosexuelles (hommes ou femmes), dont les thèmes peuvent être très légers, sur la découverte d’une relation ou alors très adultes, sur l’acceptation de soi, mais aussi parfois très sombres et violentes : « Given », « Killing Stalking » ou bien « In these words » fonctionnent tout particulièrement. 

Il existe également les kodomo, dont le mot signifie « enfant » au Japon, qui accueille tous types de mangas pour un public âgé de 6 à 10 ans avec des séries phares comme « Pokemon », « Beyond the clouds » et « Chi ».


Si le manga fait maintenant partie intégrante de la pop culture et qu’il s’est intégré dans les habitudes d’achats des jeunes, il a longtemps été déconsidéré et ses consommateurs n’étaient pas vraiment pris au sérieux. Pourtant la France est, depuis quelques années, le deuxième pays consommateur de manga, juste après le Japon, les nouveautés suivent de près le rythme des parutions dans leur pays d’origines et il existe des mangakas français reconnus (« Radiant », un manga français, a même été adapté en série animée au Japon). Ce phénomène d’adoration de la jeune génération pour le manga est donc porté par d’autres biais que le simple fait du pass culture.


Tout d’abord, l’une des principales explications de l’essor du manga se trouve dans les réseaux sociaux : véritable vitrine sur Internet où l’on exposes ses goûts, ses habitudes, les modes y sont lancées et suivies. Le manga a réussi à se faire une belle place sur ces sites et notamment sur TikTok ou Twitter. De nombreux fans peuvent échanger sur leurs goûts, sur les derniers mangas parus et lus ou encore à propos de leurs personnages favoris. 

Mais s’il est aussi présent sur internet, c’est aussi grâce aux « anime », dont les extraits et les gif sont légion sur les réseaux sociaux ainsi que les « memes » (images humoristiques). Il s’agit d’adaptations animées, sous forme de séries, qui sont suivies avec assiduité. Même si ce format est assez ancien (on se souvient essentiellement de l’adaptation télévisée de Dragon Ball, diffusée en France pour la première fois le 2 mars 1988), il est toujours aussi populaire et même plus aujourd’hui. Grâce aux sites de streaming, il est possible de suivre les diffusions au même rythme que le Japon. De plus, certaines séries se voient adaptées en film et portées au grand écran : alors que ce phénomène n’était consacré qu’à Dragon Ball, en 2021 sont sortis les films de Jujutsu Kaisen et de Demon Slayer, deux des plus importantes séries aujourd’hui. Philippe Lacheau, un réalisateur français, s’est même emparé du personnage emblématique de Nicky Larson dans son film « Nicky Larson et le parfum de Cupidon » (2018), resserrant davantage le lien étroit entre le manga et son public français. Très récemment est également sortie l'adaptation de la série « Le sommet des dieux » de Jiro Taniguchi.


Mais en plus de cette prescription que l’on trouve sur internet, on note également les publicités des éditeurs : placardées sur les arrêts de bus ou sur les trams, dans de grands panneaux publicitaires, ces affiches annoncent le nouveau tome d’une série, leur date de parution et invitent les lecteurs à rapidement se le procurer. Il faut aussi ajouter à ces données que le public manga est fidélisé depuis des années. Avec des séries qui durent depuis 3 décennies et dont les nouvelles sorties sont attendues avec impatience, le manga s’est réellement imposé dans les rayons des librairies. Citons encore une fois Dragon Ball, dont la première parution en France date de 1993 et la plus récente de juillet 2021, mais aussi One Piece qui paraît en France chez Glénat pour la première fois en septembre 2000. Et l’engouement ne cesse de grandir ! 

Pour la publication des tomes 98, 99 et 100 de One Piece, des éditions collector ont été annoncées et ont rencontré un succès retentissant auprès des lecteurs : tous vendus dès le jour de leur sortie, parfois revendus à prix d’or sur internet, les collectors se sont démocratisés. Si le monde de la bande dessinée connaissait déjà ce système (et surtout avec les tirages de tête, les numérotés ou les tirages limités), les mangas n’avaient pas autant de popularité lorsqu’il s’agissait d’exemplaires particuliers. Aujourd’hui, les collectors de séries comme One Piece, L’Attaque des Titans ou My Hero Academia font fureur en librairie. 


Les éléments qui expliquent le succès du manga sont nombreux et dépassent, de loin, la seule présence du Pass culture. Grâce à un système de feuilleton bien rôdé (un manga contient plusieurs chapitres lesquels se terminent souvent par un plot twist haletant), à des séries qui se pérennisent dans le temps et à une présence bien nette dans les esprits comme sur les réseaux sociaux, les mangas ont depuis longtemps trouvé leur place dans le monde du livre. 

C’est leur accès qui a été facilité auprès du jeune public. Dès la mise en place du Pass, ce sont des séries entières qui sont parties mais aussi les artbooks et les ouvrages dérivés de certaines séries. Le Pass n’est donc pas la raison mais l’outil qui a permis aux mangas de connaître un véritable boom au sein des librairies. 

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