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Comment va la France ?

Publié le 23/02/2004
Notre vieille France suscite bien des interrogations, des questionnements voire des présages les plus funestes quant à son avenir dans un monde où rien ne se fait désormais sans ce conseil d'administration planétaire qu'est le G8 ou sa cousine germaine la Commission de Bruxelles.

Le débat sur le déclin de la France n'est pas neuf : le sujet démange régulièrement nos intellectuels et autres économistes. Jean-Marie Rouart dans son livre Adieu à la France qui s'en va évoque une certaine idée de la France en voie de disparition. Il nous amène à travers sa France des détails, des paysages sortis d'une vieille carte postale sans embellir le tableau: on y trouve pêle-mêle Romain Gary, Vichy, Omar Raddad ou Aragon. Il se perd sur les chemins béarnais, respire à Noirmoutier, s'étouffe à Paris plus de parisianisme que de pollution... et nous entraîne avec lui dans un style nostalgique et mélancolique. Mais c'est Nicolas Baverez, historien et économiste, qui sonne la charge la plus virulente dans un livre tonitruant intitulé La France qui tombe. Il décortique ce qui en France va mal et l'amène sur les pentes dangereuses : une économie à la traîne qui n'a pas encore digéré la crise des années 70, le pouvoir des chefs d'entreprises discrédité par les affaires Elf, Alstom ou bien Vivendi Universal, des institutions affaiblies par les différentes cohabitation, une diplomatie inadaptée à la géopolitique actuelle. En résumé la France n'est que façade, et pour reprendre ses termes, elle a "les mots de la puissance sans les moyens de la puissance"... Dans ce cas comment sortir du déclin ? Bien sûr il admet qu'il y a eu quelques changements mais seulement pour servir de trompe oeil. Ce dont elle a besoin, c'est une thérapie de choc semblable a celle de 1958 au risque de se réveiller avec une gueule de bois. L'oraison funèbre est belle et déclenche une avalanche de réponses d'historiens, de journalistes, d'économistes et de penseurs.

Alain Duhamel dans Le désarroi français propose un point de vue moins tragique. Au déclin il préfère le terme de désarroi. Il reconnaît la détresse de cette France devant le chômage, la précarité, la violence, l'insécurité, l'échec de l'intégration, le manque de confiance en nos élites dirigeantes qui a abouti au terrible vote sanction du 21 avril 2002. Mais contrairement à Nicolas Baverez qui n'a vu que des points noirs à travers des chiffres et des pourcentages, Alain Duhamel pointe les atouts qui permettent à la France de tenir la tête hors de l'eau: main d'oeuvre très qualifiée, solidarité sociale, qualité de vie et une solide identité,certes agaçante, mais toujours salvatrice. Jean Boissonnat ne dit pas autre chose dans son Plaidoyer pour une France qui doute soulignant au passage que derrière la France il y a des individus qu'il faut rassembler, mobiliser autour des grands desseins tels le développement durable ou la construction européenne. Jacques Delors ne croit pas plus au déclin qu'à une tendance bien française de se laisser submerger par la peur du lendemain. Cette sinistrose comme il l'appelle dans ses Mémoires peut être conjurée par des atouts qui ont déjà fait leurs preuves comme par un réengagement plus fort de la France dans l'Europe dont elle fut un des pilliers.

Crise, sinistrose, doutes, peur de l'avenir sont symptomatiques d'une société qui est entrée de plein pied dans le XXIème siècle en même temps que l'effondrement des Twin Towers. La France n'a pas échappé aux ondes de choc outre Atlantique qui ont touché une économie, une vie politique et un moral déjà fragilisés par des crises internes. Cependant à l'échelle mondiale on constate qu'au delà de la France, c'est l'Europe qui souffre, qui doute par rapport au leadership américain. Oui la France est en déclin si on la compare aux Etats-Unis mais qui peut actuellement rivaliser avec cette puissance? Non elle n'est pas en déclin car des réformes sont en cours. Sans doute cette exception française qui en agace plus d'un.

Alors comment va la France ? Eh bien elle tousse mais elle se soigne...

 

Illustration : d'après Joëlle Jolivet, couverture de Le modèle politique français de Pierre Rosanvallon, Seuil, 2003