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Le Président de la Vème République

Publié le 05/04/2012
L'élection présidentielle du printemps 2012 est l'occasion de poser un regard sur le présidentialisme en France et plus spécifiquement sur l'institution présidentielle...Dossier de Pascal Jan, professeur des universités en droit constitutionnel.Retrouvez tous les dossiers relatifs aux Présidentielles 2012 dans « Aux Livres Citoyens ! »
Cette élection mobilise traditionnellement l'électorat, qui a bien compris que d'elle dépendaient les politiques publiques suivies pendant cinq ans. Le rendez-vous électoral qui s'annonce présente par ailleurs de nombreuses spécificités.
Outre le contexte économique qui influe nécessairement sur la façon de gouverner, l'élection présidentielle de 2012 mettra en compétition des candidats dont la présence pour certains est le résultat de primaires ouvertes, un président de la République dont on sait depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 qu'il ne pourra se représenter s'il est réélu, des responsables politiques dissidents…. Bref, une élection différente des précédentes qui pourrait emporter des changements sur ce qu'est devenue la fonction présidentielle depuis 1958.

Le Président de la République est au centre du pouvoir. Et ce depuis l'origine de la Vème République. Élu directement par le peuple depuis 1965, le Président de la République est un Chef, en ce sens qu'il dispose des attributs traditionnels reconnus à un Chef de l'État (diplomatie, Défense, garant politique de la Constitution, arbitrage avec droit de dissolution et soumission d'un texte au référendum).
Il est surtout le plus souvent Chef de l'Exécutif puisque de lui procèdent le premier ministre et le Gouvernement, l'action du gouvernement et la politique de la nation qui traduit ses orientations approuvées par une majorité de français même si la Constitution confie respectivement au Premier Ministre et au Gouvernement ces responsabilités. Le Président n'est privé de cette qualité qu'en cas de cohabitation, lorsque la majorité présidentielle ne rencontre pas la majorité législative. En effet, le Chef de l'État doit sa prééminence dans les institutions au couplage de la majorité présidentielle et de la majorité législative. On ne le rappellera jamais assez qu'un Président même élu au suffrage universel direct ne peut rien sans majorité à l'Assemblée nationale. En revanche, avec le soutien d'une majorité de députés, il peut tout…ou presque. Son interventionnisme n'a de limite que celle qu'il s'est fixé. Au surplus, son statut l'exonère de toute responsabilité politique réelle.

La presse mentionne souvent l'hyper-présidence de Nicolas Sarkozy. Mais, à la vérité, tous les Présidents ont pleinement exercé leurs prérogatives et même au-delà, chacun avec leur personnalité. Déjà Georges Pompidou était qualifié d'hyper-président… Ce statut politique présidentiel trouve bien entendu mais non exclusivement son explication dans les modalités de l'élection présidentielle, d'où la centralité de cette dernière dans la vie politique française. Élu directement par le peuple tous les cinq ans depuis 2002 sur un programme plus ou moins précis, le Président fixe de ce fait la charte législative de la majorité des députés, le Gouvernement étant en charge de mettre en musique la partition présidentielle.
Un Président de la République ne peut donc se désintéresser de la politique intérieure et se replier sur ses compétences exclusives de Chef de l'État. Au contraire, l'hôte de l'Élisée est contraint de s'y consacrer totalement, plus ou moins visiblement, tout étant affaire de tempérament personnel et de contexte politique de l'instant.

Si la présidence de Nicolas Sarkozy est décomplexée et révèle un présidentialisme proximal, elle se situe en droite ligne des présidences de ses prédécesseurs depuis le général de Gaulle, lequel a imposé un présidentialisme de nécessité, son successeur immédiat Georges Pompidou confirmant l'interprétation gaulliste des institutions. La détermination présidentielle de gouverner, de diriger les affaires politiques et de décider de l'essentiel explique la présidence tutélaire de Valéry Giscard d'Estaing et celle quasi-absolue de François Mitterrand. Seul Jacques Chirac exercera une présidence mesurée lorsqu'il disposa d'une majorité législative. Ces deux derniers Présidents connaitront toutefois une présidence toute relative lors des périodes de cohabitation qu'ils ont dû affronter…

Cela étant dit, l'élection présidentielle de 2012 pourrait marquer une évolution de la fonction présidentielle ; Pour la première fois, deux partis politiques ont décidé de remettre aux citoyens la désignation de leur candidat selon des modalités certes différentes, mais là n'est pas l'essentiel. Ce fut d'une part le cas des écologistes et, d'autre part, des socialistes et radicaux de gauche. Cet exercice nouveau sape les fondements initiaux de la Vème République bâtie contre les formations politiques. Mais il est vrai que le Général de Gaulle lui-même réactiva en son temps les partis qu'il prétendait combattre…. Depuis 1969, l'élection présidentielle est une affaire de partis politiques. Et cette réalité n'a pas cessé de se renforcer depuis, ce qui n'empêche pas les candidatures personnelles isolées. L'exercice démocratique de l'expression politique que constituent les primaires pourrait emporter des conséquences sur la fonction présidentielle, dès lors qu'un candidat sélectionné par ces modalités accèderait à la magistrature suprême.
De même, la réélection éventuelle du président sortant emporterait des conséquences sur la fonction présidentielle dont on mesure mal encore les effets. Le quinquennat n'étant renouvelable qu'une fois, un Président réélu même avec le soutien de l'Assemblée nationale pourrait perdre rapidement son leadership sur une partie de sa majorité, les membres de cette dernière sachant ne plus dépendre du Chef de l'État pour leur avenir et étant mis dans l'obligation de lui chercher un successeur. Seul moyen pour le Président d'affirmer son autorité : menacer d'exercer ses prérogatives propres, notamment son droit de dissolution avec cependant le risque de perdre les élections législatives et se retrouver en minorité jusqu'à l'achèvement de sa mission (1997).

Au cœur du fonctionnement des institutions, le Président de la Vème République gouverne. La centralité de l'élection présidentielle en est l'un des ressorts. L'enjeu de la compétition électorale, outre les orientations politiques choisies, se ramène également à la conception de la fonction présidentielle. 2012 pourrait marquer une évolution importante à cet égard.

Pascal Jan, professeur des universités en droit constitutionnel. Il enseigne à l'Institut d'études politiques de Bordeaux.




Ce premier dossier s'inscrit dans une démarche générale d'éclairages divers, réalisée en collaboration par des auteurs, des universitaires, des professionnels et les libraires, en vue des élections présidentielles françaises de 2012 : « Aux livres citoyens ! ».

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Photographie : ©Super Sapin

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