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Itinéraire d'un politique sous Vichy

Une actualité de Jean-Marc
Publié le 03/05/2017
L’historiographie a depuis longtemps éclairé l’ambivalence des années trente en France. Décennie qui vit le Front populaire accéder au pouvoir, elle fût aussi le temps des non-conformistes, de l’ «imprégnation fasciste» d’une partie de l’opinion publique et de la force de fascination exercée par les chemises brunes et les faisceaux sur une partie non négligeable de l’intelligentsia.

    A l’opposé du message humaniste et de la conscience universelle qu’avait pu représenter Malraux dans La Condition Humaine (1933), Pierre Drieu la Rochelle célébrait la geste fasciste dans son roman Gilles (1939). Héraut d’une partie du monde artistique et intellectuel, il fît à plusieurs reprises le voyage à Nuremberg en compagnie d’autres écrivains fascinés par les grandes « messes » nazies et leurs cortèges d’oriflammes. Otto Abetz futur ambassadeur d'Allemagne en France à partir de 1940, se fera l'ardent propagandiste de l'amitié entre les deux pays. Il crée en 1934 les Cahiers franco-allemand et en 1935, de ses efforts, naît le Comité France-Allemagne qui a pour but d'améliorer la mauvaise image des dirigeants nazis dans l'opinion française. Il s’appuie notamment sur des personnalités françaises influentes : écrivains, journalistes, politiques et anciens combattants.

    Cette attraction du fascisme sur les intellectuels français sévit également au sein des cénacles politiques. Jacques Doriot, ancien communiste, fondateur du PPF (organisation fasciste recevant des subsides de Mussolini) pouvait se targuer d’attirer à lui des foules nombreuses autour de mots d’ordre antisémite, raciste et xénophobe. Marcel Déat entamait sa mue politique et Adrien Marquet, maire de Bordeaux, l’un des ténors des néo-socialistes ne s’était pas encore jeté dans la collaboration...

    Comment expliquer la trajectoire des collaborateurs ? Leur passage à l’acte obéit-il à une « nécessité » secrète ? Comment expliquer ce phénomène de la Collaboration  qui compta à son apogée de 100 000 à 120 000 membres, et qui eut ses réseaux, sa radio et ses titres de presse ?

    La tentation serait d’y voir une fatalité, un déterminisme ou une explication causale irréfutable. Ce serait oublier qu’il n’y a pas de déterminisme en Histoire, que cette dernière est faite de ce que les hommes en font. Alors que faire des « indices » avant-coureurs , de ces signaux d’alerte ? En histoire, prévisibilité ne vaut pas déterminisme… Ainsi du parcours de Daniel Cordier, qui avait rejoint Londres et les rangs de la France libre dès juin 1940, secrétaire de Jean Moulin qui fut aussi avant la guerre un ardent partisan de l’Action française, fondateur du Cercle Charles-Maurras à Bordeaux et qui se situe aux antipodes d’un Brasillach.

    A l’inverse, Philippe Henriot, issu d’un milieu catholique traditionaliste, fût « La voix de la Collaboration » avec l’occupant nazi. Après des études de lettres à l'Institut catholique de Paris, Philippe Henriot devient professeur au collège catholique Charrier à Sainte-Foy-la-Grande en gironde. Élu député de Bordeaux sous l'étiquette de la Fédération républicaine (1932), il apparaît rapidement comme l'un des chefs de la droite autoritaire. Après sa réélection (1936), il s'inscrit au Parti républicain national et social (PRNS) de Pierre Taittinger. Après la défaite de 1940, il vote les pleins pouvoirs au maréchal Pétain et se montre le partisan d'une franche collaboration avec l'occupant qu'il soutient dans les hebdomadaires Gringoire et Je suis partout. Il adhère à la Milice (mars 1943) et est nommé secrétaire d’État à l'Information et à la Propagande (janvier 1944). « Meilleur » chroniqueur que la radio de Vichy ait jamais eu, c'est un polémiste au talent oratoire saisissant. Au retour d'un voyage à Berlin pour y rencontrer Joseph Goebbels, son homologue allemand, il est abattu (28 juin 1944) par un commando de résistants dans les locaux du ministère de l'Information, 10 rue de Solférino, où il réside lorsqu'il vient à Paris. Sa mort est très largement exploitée par la Milice, qui ordonne, en représailles, l'exécution de Georges Mandel (7 juillet 1944).


    C’est cette trajectoire que nous invite à découvrir la brillante biographie de Pierre Brana et Joëlle Dusseau parue aux éditions Perrin. D'approche savante et accessible, cette biographie saura captiver d'un bout à l'autre l'attention du lecteur et lui permettre de mieux comprendre la réalité de ce que fût la France à l'heure allemande.

Une histoire de la collaboration