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L'arbre, cet inconnu

Le génie de l'arbre, Bruno Sirven
Une actualité de David Lafarge
Publié le 03/03/2017
Vous côtoyez des arbres, chaque jour pour les plus chanceux d’entre vous, mais pour autant, pensez-vous connaître ces végétaux exceptionnels ? Vivre avec presque rien, produire et restituer tant de choses, partager les ressources, améliorer la qualité de vie, être utiles à l’agriculture… Chaque arbre constitue un monde à part entière.
Des arbres, on en a tous vu : des dizaines, des centaines, des milliers pour les plus chanceux. En forêt, bien sûr, pour ceux qui aiment les randonnées ou les simples promeneurs, dans les parcs et les jardins (ah, l’ombre d’un platane ou d’un magnolia pour s’allonger sur la pelouse et lire tranquillement…), au bord des routes, à compter, enfant, les troncs qui font des ombres zébrées sur la route des vacances…
Les arbres sont ainsi partout autour de nous et paraissent immortels. Ce n’est pas totalement faux et ce n’est certainement pas Francis Hallé qui nous contredirait, lui qui plaide depuis tant d’années pour que l’on prenne enfin conscience du génie de ces végétaux qui, avec presque rien (de l’eau, de la lumière, de l’air) et surtout sans nous priver de quoi que ce soit, agissent sur leur environnement sans agitation, protégeant et produisant.
Parlons un peu littérature, philosophie et poésie : sans arbres, pas de théorie de la gravité de Newton, pas de Rêveries du promeneur solitaire de Rousseau, pas de baobab pour le Petit Prince. Alors oui, les arbres sont bien une source immense d'inspiration pour les auteurs. Et puis, soyons un peu terre à terre, pas d’arbres, ça veut dire pas de papier et pas de livres tout court !

Les arbres offrent une infinité de choses matérielles et immatérielles, indispensables à l’établissement et le développement de la vie dans la plupart des régions du monde. Pour preuve, la très grande majorité des hydrocarbures que nous utilisons à l’excès aujourd’hui viennent d’arbres, qui ont produit de la biomasse et capturé l’énergie solaire sous forme de matière organique qu’ils ont restitué après leur mort, donnant le pétrole et gaz naturel. Chaque jour, les arbres continuent à réaliser ce processus, transformant de la lumière, du gaz carbonique et de l’eau en sucres et en autres matières organiques. Au passage, ils capturent le dioxyde de carbone et restituent, à la place, de l’oxygène. De véritables usines vertueuses.
Les arbres fournissent aussi des matières premières pour la construction, même si nous avons tendance, encore une fois, à abuser de leur consommation et à entraîner la disparition de certaines espèces exotiques en particulier.
Les arbres interagissent avec tout leur environnement, l’espace, l’air, l’eau, le sol, le climat et toute la biodiversité qui les entoure. Ils recyclent nos excès, produisent de la biomasse, de l’énergie, de l’oxygène, de l’eau, ils stockent du carbone, de fertiliser la terre. De lutter contre la pollution, contre l’érosion, contre les inondations, contre les sécheresses, contre les excès du vent. D’aménager les territoires, de sécuriser les ressources et les activités humaines, de s’inscrire durablement dans le paysage. Pour tous ces bienfaits, on peut se placer à l’échelle du jardin, du champ, de la forêt ou de la planète, la liste s’applique toujours !

Si l’arbre est indispensable, il est également possible partout. C’est pour cette raison qu’il partage notre existence au plus près de nous : villes, champs, près, bords de routes, de rivières et de canaux, parcs et jardins, il s’invite même aujourd’hui sur les façades et les toits des immeubles d’habitation et de bureaux à travers le monde, où il vient isoler, réguler la température et l’hygrométrie mais aussi dépolluer l’atmosphère urbaine. Aujourd’hui, plusieurs menaces planent pourtant sur les arbres, partout sur la planète. Déforestation, exploitations forestière et minière, urbanisation, pollution, perte de biodiversité, changement climatique sont autant de risques et d’écueils pour l’arbre. De nombreux acteurs scientifiques, politiques et de la société civile prennent ce sujet en mains pour sensibiliser la population ou les décideurs, pour engager des chantiers de plantation ou de protection et de conservation.

Les arbres peuvent également être cultivés, à la façon d’autres plantations agricoles. Nous sommes habitués, surtout en Aquitaine, à traverser des « champs » d’arbres en culture : la forêt des Landes. Il s’agit là de l’exploitation la plus classique des arbres, cultivés pour leur bois ou pour leur résine. Cependant, depuis les années, 1970, de nouvelles formes d’exploitation ont vu le jour et prennent aujourd’hui une ampleur considérable : il s’agit de l’agroforesterie, un terme issu de l’anglais qui, en bon français, devrait plutôt se dire complantation. Peu importe la terminologie, quel est donc ce principe de culture ?
Plusieurs études scientifiques ont démontré que les arbres plantés sur une parcelle, utilisant une surface négligeable au sol, constituent un investissement rentabilisé au moment de l’abattage pour la valorisation du bois. En attendant, les arbres auront largement contribué à l’amélioration des qualités du paysage agricole (on pense tout de suite à l’agrotourisme), augmenter les rendements par l’effet « puits de carbone », les arbres captant l’énergie solaire pour la transformer et l’échanger avec d’autres végétaux à travers de complexes associations qui mettent également en jeu les champignons présents dans le sol (associations mycorhiziennes), en enrichissant le sol de matière organique par leurs feuilles et leurs racines mortes chaque année. D’autre part, on imagine aisément qu’une parcelle plantée uniquement de pommiers utilise une surface importante alors qu’en hiver et au début de printemps, les arbres n’ont pas de feuilles et qu’il est ainsi possible d’utiliser la même surface pour la culture de céréales ou d’autres plantes herbacées, économisant ainsi le territoire occupé par nos activités.
Les arbres ont également un effet protecteur contre les intempéries, limitant l’impact du vent, des pluies violentes, de la grêle, de l’ensoleillement excessif… S'ils sont en compétition avec les autres cultures pour les ressources du sol, les arbres ont cependant une tendance naturelle à chercher plus profondément leur nourriture, aérant au passage le sol et favorisant la circulation d’eau profonde, facilitant l’infiltration de la pluie qui peut ainsi reconstituer les nappes phréatiques. Effet secondaire vertueux, cet enfoncement forcé des racines assure une meilleure stabilité de l’arbre et donc une meilleure résistance aux sécheresses, à la chaleur ou aux vents violents. Toujours au chapitre des bénéfices partagés, les arbres puisant l’eau profondément permettent aussi de récupérer les nitrates en profondeur, limitant la pollution des eaux. Enfin, les arbres bénéficient des engrais et de l’irrigation apportés aux autres cultures, ce qui leur permet de pousser plus vite.
On pourrait ainsi continuer très longuement la liste des avantages de l’agroforesterie : limitation de l’érosion des sols, lutte contre la salinisation, contre les inondations (limitation du ruissellement, rétention d’eau de pluie), réduction de la pollution par l’azote qui est captée par les racines et utilisée par l’arbre pour sa croissance, amélioration des sols grâce à la litière végétale, espacement des arbres pour laisser passer les machines agricoles qui permet de varier les espèces présentes sur une même parcelle (limitation des épidémies, étalement de l’arrivée à maturité des sujet).
Ces principes sont aujourd’hui appliqués dans de nombreux endroits de la planète, avec des plantations de café ou de bananiers sous couvert forestier (dans ce cas, on limite fortement la déforestation ou on favorise la reforestation) dans les zones tropicales par exemple. Dans ce cas, l’effet le plus évident et celui de protection contre l’érosion excessive des sols et la dépollution, tout particulièrement des zones d’exploitation minière.

Bruno Sirven est géographe, spécialiste de l’environnement et du paysage. Depuis une vingtaine d’années, il se consacre au développement et à la promotion de l’arbre champêtre avec l’équipe Arbre et paysage du Gers, une structure de terrain qui assure des missions de conseil, d’information et d’étude, mettant en œuvre un vaste programme sur le territoire, accompagnant plusieurs centaines de chantiers de plantation d’arbres, de haies et d’agroforesterie.
Il a publié, chez Actes Sud, Le Génie de l’arbre, ouvrage de référence qui nous propose de pénétrer dans l’univers de ces végétaux exceptionnels. D’un accès facile, il s’adresse aux simples curieux aussi bien qu’aux élus et gestionnaires, étudiants et enseignants, agriculteurs et ingénieurs… Un véritable plaidoyer pour l’agroforesterie.

Comprendre le végétal

Les services rendus par l'arbre à la nature, à la biodiversité, à l'environnement

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Arbres et lettres

Agroforesterie

Pour en savoir plus

Rencontre avec Bruno Sirven

Le 15/03/2017
Bruno Sirven
« Le génie de l'arbre », aux éditions Actes Sud

Bruno Sirven - Le génie de l'arbre

Rencontre du 15 mars 2017 dans la Station Ausone
« Le génie de l'arbre », aux éditions Actes Sud

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