L'histoire des sorcières

La figure de la sorcière : entre réalité historique et réinvention littéraire

Dans la société de l’Ancien Régime, dominée par les hommes et profondément imprégnée par le christianisme, la figure de la sorcière occupe une place centrale dans un phénomène aussi spectaculaire que tragique : la chasse aux sorcières. Ce phénomène, qui atteint son apogée entre le XVIe et le XVIIe siècle en Occident, touche presque exclusivement les femmes, souvent issues des classes populaires et vivant en marge de la société. Accusées de pratiques magiques ou de comportements jugés déviants, ces femmes deviennent le symbole d’une peur collective mêlant superstition, misogynie et contrôle social. Mais cette figure ambivalente dans l’histoire, trouve une nouvelle identité par la littérature et l’imaginaire collectif, devenant une figure majeure, entre menace surnaturelle et symbole de rébellion féminine.

Une figure féminine stigmatisée dans l'histoire

À l’époque moderne, la sorcière est perçue comme une menace à l’ordre social et religieux. Dans une société où le rôle de la femme se limite au mariage et à la maternité celles qui vivent seules, ou adoptent des comportements jugés "anormaux" sont rapidement marginalisées et soupçonnées de sorcellerie. L’Église, soutenue par les autorités laïques, voit dans ces femmes un danger spirituel, assimilant leurs actes à une alliance avec le diable (le Marteau des sorcières écrit au XVe siècle une sorte de manuel pour aider les inquisiteurs et déceler les pratiques de sorcellerie). La sorcière devient alors une figure diabolisée, symbole d’un désordre qu’il faut éliminer.

Des penseurs comme Robert Muchembled évoquent une véritable diabolisation des femmes, reflet d’une peur masculine profonde face à l’inconnu, à la sexualité féminine et à ce qui échappe au contrôle social. Le pape, les tribunaux religieux et la monarchie elle-même participent à cette répression. Bien qu’un édit royal vienne officiellement mettre fin à la chasse aux sorcières en France en 1682, dans le contexte de l'affaire des poisons, les croyances et les procès perdurent encore au siècle suivant.

L’historiographie moderne, notamment sous l’influence des mouvements féministes, redonne une place à l'histoire du genre et notamment celle des femmes. L’historien Jules Michelet, dès le XIXe siècle, voit déjà dans la sorcière non seulement une victime, mais aussi une figure de résistance populaire. Pour lui, la sorcellerie est une forme de révolte, une tentative de ces femmes de se réapproprier un pouvoir dans une société qui les opprime.

La sorcière, icône puissante de la littérature imaginaire

Si la figure de la sorcière est historiquement liée à la peur et à la répression, elle connaît un second souffle dans la littérature, notamment dans l’imaginaire. La littérature reprend cette figure, d’abord comme antagoniste, comme dans les contes, puis peu à peu comme héroïne. La sorcière devient mystique et surtout un symbole d’émancipation féminine. Dans des œuvres contemporaines, la sorcière devient un personnage complexe où la magie féminine est réhabilitée et valorisée. Cette transformation de la sorcière accompagne l’évolution des mentalités, la sorcière devient une figure de liberté, d’indépendance et même féministe. Elle n’est plus seulement un être maléfique, mais devient un symbole de résistance face aux oppressions sociales et patriarcales.


La figure de la sorcière est le reflet des tensions profondes d’une société patriarcale qui, dans l’histoire, a marginalisé et persécuté les femmes. Mais ce symbole, autrefois outil de terreur et d’exclusion, a été transformé par la littérature en une figure ambivalente, fascinante, parfois sombre mais souvent puissante. La sorcière, entre histoire et fiction, incarne aujourd’hui à la fois les peurs anciennes et les aspirations modernes d’émancipation.