« Les Russes ont leur culture, acquise dans la peine » écrivait Alexandre Soljenitsyne (La Russie sous l'avalanche, Fayard, 1998). Car le drame de la Russie tient sans doute dans sa rage d’exister et de rester dans l’Histoire, de donner un sens à cette gigantesque aventure humaine qu’avait amorcé l’empire des Tsars et l’Église orthodoxe. Mais cette marche forcée ne pouvait se faire qu’au prix de la dualité antinomique et du conflit fratricide : car comment avancer à l’aveugle vers la modernité sans risquer de se perdre en chemin ?
Pourtant celle qui nous est à la fois orientale et septentrionale porte en son sein un héritage multiséculaire auquel, par bien des aspects, notre monde contemporain doit beaucoup. Car le génie russe s'est illustré dans bien des domaines et à travers bien des époques. La littérature, mais aussi la musique, la peinture, la philosophie, les sciences, la théologie et bien sûr ses folklores populaires. La terre russe a inspiré bien des voyageurs et a produit bien des chef-d'œuvres de tous les styles et de toutes les formes desquels émanent une force et une maturité qui échappent parfois à notre compréhension occidentale. Mais après tout, comme l’écrivait le poète Tiouttchev : « La Russie n’est pas affaire de raison. Elle ne peut être que question de foi ».
L’enjeu de ce dossier est de rappeler aux lecteurs quelques modestes échantillons de ce que la Russie a pu produire de pire et de meilleur, de revenir sur l'histoire d'un géant au marches de l'Europe et de comprendre un peu mieux la place et les ambitions d'un pays en clair obscur.