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La domestication de la vigne remonte à ces temps immémoriaux où l'Homme inventait l'écrit. Aux origines de l'Histoire il y a donc le vin. Désormais, en véritable conquérant, cette boisson séculaire s'est imposée sur tous les continents et sur toutes les tables. À l'occasion de la parution du livre de Sébastien Durand Les vins de Bordeaux à l'épreuve de la seconde guerre mondiale (éditions Memoring) et de Christophe Lucand Le vin et la guerre (Armand Colin), penchons nous de plus près sur cet alcool intemporel que l'historiographie appréhende de plus en plus comme un véritable sujet d'Histoire.

   Domestiqué dès le IVe millénaire avant notre ère, le vin est devenu, quelques siècles plus tard, un élément clé du système alimentaire antique. Ainsi en Grèce ancienne il est cultivé, consommé et même associé à certaines divinités. Au fil des siècles, le vin s'impose comme l'un des piliers de l'économie méditerranéenne. Il entre en terre gauloise par le biais du commerce étrusque puis la domination romaine implante durablement la viticulture en Gaule. Déjà, les gaulois en sont férus comme en témoigne la quantité phénoménale d'amphores misent au jour par l'archéologie.

   Le vin survit aux grandes crises de l'Antiquité tardive, se laisse apprivoiser et s'adapte aux agricultures médiévales. Au Moyen-Age, il se cultive et se boit dans toutes les régions de France et participe incontestablement à l'économie de subsistance du royaume. De la plaine, où les romains l'avaient d'abord implanté, la vigne remonte le long des coteaux à la recherche d'ensoleillement. Le savoir-faire viticole français se perfectionne et le vin devient un produit de consommation de base au même titre que le pain. Bien que la notion de cru semble encore absente à cette époque, le XIVe siècle voit naître les premiers grands vignobles. Apparaissent ainsi deux éternels rivaux que nous connaissons encore aujourd'hui : le vin de Bordeaux et le vin de Bourgogne. Sous l'influence de la municipalité bordelaise en Aquitaine et sous celle du pouvoir ducal en terre bourguignonne la culture de la vigne est alors contrôlée et réglementée.

   Cependant, malgré son expansion fulgurante, le vin jusqu'alors gardé en tonneau ne se conserve que peu de temps, un an tout au plus. Il faut attendre la période moderne et le XVIIe siècle pour que la bouteille en verre et le bouchon en liège apparaissent en Europe sous l'impulsion britannique. La bouteille de vin est née.

   Au XIXe siècle, la classification des vins, amorcée depuis le Moyen Age, atteint son paroxysme et devient officiel sous Napoléon III (1852-1870). Avec l'épidémie du phylloxéra dans les années 1870, la viticulture connaît une crise sans précédent. Les vignobles européens décimés par le parasite sont sauvés par l'importation de plants américains plus résistants. La culture de la vigne prend donc un tout autre tournant s'inscrivant dans le cadre d'enjeux internationaux comme le confirmeront par la suite les deux guerres mondiales. Dans les tranchées, le vin est un allié précieux des poilus pour tromper l'ennui, se donner du courage ou simplement se réchauffer. L'économie viticole française trouve sa place dans l'économie de guerre, mute et s'adapte au grès des événements tout en conservant son prestige international. Ainsi, au lendemain de la défaite de 1940, l'Allemagne trouve dans les vignobles français son butin de guerre le plus précieux. L'occupation est l'occasion d'un pillage du patrimoine viticole français opéré sous la houlette des weinführer, experts en vin envoyés par Berlin. Tristes et tragiques événements qui paradoxalement montre la richesse et l'importance que garde cette boisson même durant les heures les plus sombres de l'Histoire contemporaine.

   Aujourd'hui, le vin est un produit parfaitement intégré au processus de mondialisation : il se cultive, s'exporte et se consomme sur presque tout les continents du globe. Mais bien plus qu'un simple produit de consommation, le vin est intimement lié à une construction culturelle et économique française et mondiale. Sous la tutelle de projets innovants comme la création de la chaire de l'UNESCO « Culture et tradition du vin » à l'Université de Bourgogne en 2006, ou encore la construction de la cité du vin de Bordeaux inaugurée en Juin 2016, les études sur le sujet foisonnent et permettent aujourd'hui d'aborder cette question à travers un prisme nouveau. Le vin, cadeau des dieux, construction des Hommes et témoin de l'épopée humaine, ne saurait être oublié par la recherche actuelle comme en témoigne la sélection d'ouvrages ci-dessous.

Ce dossier a été rédigé par Aurélie Tumas.